Fusion et modifications des parties privatives

Il arrive parfois que les copropriétaires de parties privatives contiguës souhaitent modifier les limites de leurs parties privatives. Par exemple, si l'un des deux copropriétaires souhaite agrandir son appartement en intégrant une partie de l'unité adjacente, des démarches spécifiques sont nécessaires. De même, lorsqu'un copropriétaire souhaite fusionner deux unités qui lui appartiennent pour en faire une seule, des questions importantes se posent, notamment concernant l'intégration de parties communes et les démarches nécessaires pour effectuer de tels travaux.

Cette fiche pratique aborde les conditions et les démarches requises pour réaliser de telles modifications, tout en respectant les règles de la déclaration de copropriété et le Code civil.

Modification des bornes des parties privatives contiguës

Selon l'article 1100 du Code civil du Québec, les copropriétaires de parties privatives contiguës peuvent modifier les bornes de leurs parties privatives sans l'accord de l'assemblée des copropriétaires, à condition d'obtenir le consentement de leur créancier hypothécaire et du syndicat. La modification ne peut avoir pour effet d’augmenter ou de diminuer la valeur relative de l'ensemble des parties privatives modifiées ni l'ensemble des droits de vote qui y sont attachés. Le syndicat (par l’entremise du conseil d’administration) modifie alors la déclaration de copropriété et le plan cadastral aux frais de ces copropriétaires. À cet égard, l'acte de modification doit être accompagné du consentement des créanciers, des copropriétaires et du syndicat.

Acte de prêt hypothécaire 

Bien que l’article 1059 du Code civil du Québec n'exige pas la signature du créancier hypothécaire pour modifier la déclaration de copropriété, il est primordial de ne pas placer les copropriétaires en défaut envers leurs créanciers hypothécaires, notamment si la modification apportée aux parties privatives a pour conséquence de réduire la superficie de l’une d’elles. Les stipulations incluses dans les actes de prêt hypothécaires pourraient mettre le débiteur en défaut si un geste posé diminue la garantie du créancier. L’article 1514 du Code civil du Québec prévoit en effet la perte du bénéfice du terme advenant qu’un débiteur diminue, par son fait et sans le consentement du créancier, les sûretés consenties à ce dernier.

Interprétation de la contiguïté

L'article 1100 du Code civil du Québec traite de la contiguïté des parties privatives. Cela a soulevé notamment la question de savoir si celles-ci doivent être séparées par un mur mitoyen ou une ligne de lot mitoyenne. On sait que dans une copropriété verticale, les parties privatives sont souvent séparées par un mur qualifié de partie commune, ce qui pourrait limiter l'application de cet article. 

L'interprétation de cet article suscite des débats. Une interprétation stricte nous porterait à considérer que seules les parties privatives séparées par un mur mitoyen sont concernées. Cependant, la doctrine a proposé une interprétation plus large, de sorte que les parties privatives séparées par un mur commun seraient également visées. Cette interprétation, qui est de plus en plus acceptée par la pratique, est avantageuse pour le syndicat et les copropriétaires. De plus, un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec a reconnu que la contiguïté peut exister même avec un mur commun, permettant ainsi la modification des limites des parties privatives sans l'autorisation de l'assemblée des copropriétaires dans certains cas. 

Selon Me Christine Gagnon, dans son ouvrage "La copropriété divise, 5e édition", l'interprétation large et libérale de l'article 1100 du Code civil du Québec, qui inclut les parties privatives séparées par un mur commun, est de plus en plus acceptée en pratique. Toutefois, cette position n'est pas unanime et expose le syndicat, les copropriétaires et le notaire instrumentant à une contestation ultérieure. Me Gagnon souligne que l'application de cet article pourrait devoir être déterminée au cas par cas, selon la partie commune concernée.

Réunion de deux parties privatives en une seule : sujet de controverse

La Cour supérieure du Québec a aussi décidé en 2009, dans l’affaire Bata, qu'il est impossible d'intégrer un hall d’ascenseur dans deux parties privatives ayant un usage restreint. Ainsi, les copropriétaires de deux unités contiguës ne peuvent, lors du jumelage de ces deux unités pour n’en faire qu’une seule, intégrer dans la nouvelle unité ainsi créée un hall d’entrée desservant auparavant les deux unités distinctes, sans amendement à la déclaration de copropriété et sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’approbation des copropriétaires conformément à l’article 1097 du Code civil du Québec.

Travaux nécessitant l'autorisation de l'assemblée des copropriétaires

Lorsque des travaux sont nécessaires pour réunir des parties privatives, ceux-ci peuvent avoir un impact sur les parties communes de l’immeuble. Dans ce cas, certaines démarches doivent être entreprises par le copropriétaire. Par exemple, il devra demander l’autorisation à l’assemblée des copropriétaires pour réaliser ces travaux. Il est également responsable de faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des copropriétaires une question complémentaire précisant la nature et la portée des travaux projetés.

Majorités requises

Une telle autorisation préalable de l’assemblée des copropriétaires doit faire l’objet d’un vote, lequel se prend à la majorité renforcée (les trois quarts des voix des copropriétaires présents ou représentés à l'assemblée), en vertu de l’article 1097 du Code civil du Québec. Toutefois, si les travaux projetés portent atteinte à la destination de l'immeuble, par exemple le hall d'un étage n’existera plus et les autres copropriétaires ne pourront plus utiliser le corridor, ces travaux doivent être soumis à un vote pris à la majorité double (les trois quarts des copropriétaires représentant 90 % des voix de tous les copropriétaires), en vertu de l’article 1098 du Code civil du Québec.

 

BON À SAVOIR !  Les copropriétaires de parties privatives contiguës peuvent modifier les bornes de leurs unités sans l'accord de l'assemblée, sous certaines conditions, notamment en obtenant le consentement des créanciers hypothécaires et du syndicat.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR: La fusion de deux unités privatives en une seule nécessite des démarches spécifiques, surtout si cela implique l'intégration de parties communes. L'approbation de l'assemblée des copropriétaires est souvent requise conformément à l'article 1097 du Code civil du Québec.

ATTENTION !  Modifier des parties privatives en intégrant des parties communes, comme un hall d'entrée dans l’affaire Bata, sans l'amendement de la déclaration de copropriété ni l'accord de l'assemblée, peut entraîner des contestations légales aux lourdes conséquences.

 CONSULTEZ  L'OUVRAGE: La copropriété divise, 5e édition"

 

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