Recours judiciaires contre un syndicat de copropriétaires
Engager un recours judiciaire contre un syndicat de copropriétaires représente une mesure de dernier ressort, et ce après avoir exploré sans succès les modes privés de prévention et de règlement des différends. Cette voie requiert une préparation minutieuse et une connaissance approfondie des règles de droit. Cette fiche est conçue pour guider ceux qui envisagent de se tourner vers le tribunal pour résoudre leur litige avec un syndicat de copropriétaires, en mettant en lumière les fondements légaux et les situations typiques pouvant mener à un tel recours judiciaire.
Nature des recours judiciaires
Les recours judiciaires à l'encontre d'un syndicat de copropriétaires se déclinent en plusieurs types, variant en fonction du contentieux et des buts poursuivis par les copropriétaires initiateurs de la démarche. Ci-après, une énumération des catégories principales de recours judiciaires :
- Recours en responsabilité civile : Un syndicat de copropriétaires est susceptible d'engager sa responsabilité civile envers des tiers, incluant les copropriétaires. Cette responsabilité peut découler de différents manquements, tels que des vices de conception ou de construction, un défaut d’entretien des parties communes, ou encore les agissements fautifs de ses préposés ou administrateurs. Ce type de recours est engagé lorsque les actions ou les négligences du syndicat causent un préjudice aux copropriétaires ou à des tiers. Il peut s'agir de dommages matériels, de troubles de jouissance ou de préjudices financiers résultant, par exemple, d'un défaut d'entretien des parties communes.
- Recours pour non-respect de la déclaration de copropriété : Lorsque le conseil d’administration manque à ses obligations définies par la déclaration de copropriété, notamment en ce qui concerne la seconde partie soit le règlement de l'immeuble, les copropriétaires peuvent intenter un recours contre le syndicat pour le contraindre à respecter les termes de ce document. L'objectif de cette démarche est d'obtenir une ordonnance d’injonction judiciaire forçant le syndicat à faire respecter les clauses de la déclaration de copropriété.
- Recours en injonction : Les copropriétaires peuvent demander une injonction pour forcer le syndicat à accomplir ou à cesser des actions spécifiques. Cela peut concerner l'arrêt immédiat de nuisances sonores générées par des équipements communs défectueux ou l'obligation de réaliser des travaux dans les parties communes pour prévenir des dommages.
- Recours en annulation ou modification d’une décision de l'assemblée de copropriétaires : Si un copropriétaire estime qu’une décision prise en assemblée de copropriétaires a été adoptée en violation des règles de la copropriété ou du droit en vigueur, il peut solliciter du tribunal l'annulation ou exceptionnellement la modification de cette décision. Les causes permettant l’intervention du tribunal sont les suivantes : la partialité d’une décision, l’intention de nuire aux copropriétaires, le mépris des droits des copropriétaires ou une erreur dans le calcul des voix. Ce recours judiciaire est prévu à l’article 1103 du Code civil du Québec. La demande à l’encontre d’une décision de l'assemblée des copropriétaires doit, sous peine de déchéance, être intentée dans les 90 jours suivant la décision.
- Recours en annulation ou modification d’une décision du conseil d’administration : Si un copropriétaire ou un administrateur estime qu’une décision prise en réunion du conseil d’administration a été adoptée en violation des règles de la copropriété ou du droit en vigueur, il peut solliciter du tribunal l'annulation de cette décision. Les causes permettant l’intervention du tribunal sont les suivantes : la partialité d’une décision, l’intention de nuire aux copropriétaires, le mépris des droits des copropriétaires. Ce recours judiciaire est prévu à l’article 1086.2 du Code civil du Québec. La demande à l’encontre d’une décision du conseil d’administration doit, sous peine de déchéance, être intentée dans les 90 jours suivant la décision.
- Recours en révision et modification de la valeur relative d’une fraction et de la répartition des charges : Tout copropriétaire peut s’adresser au tribunal, afin que soient révisées la valeur relative des fractions et la répartition des charges communes. Ce recours judiciaire est prévu à l’article 1068 du Code civil du Québec. Pour être recevable, il doit être engagée dans un délai maximal de cinq ans après la date d’inscription (au registre foncier) de la déclaration de copropriété et doit répondre à des critères spécifiques.
Rédaction et dépôt de la demande
Si une résolution à l'amiable s'avère impossible ou inefficace, la prochaine étape consiste à déposer une demande auprès du tribunal compétent. Cette étape comprend :
- Procédure judiciaire: Il est essentiel de rassembler toutes les preuves pertinentes. Cela inclut les correspondances avec le syndicat, les témoignages de copropriétaires ou de tiers, les rapports d'expertise, les photos, etc. Un recours judiciaire est intenté au moyen d'une procédure écrite appelée « demande introductive d'instance ». Cette demande doit décrire succinctement les faits motivant le recours et énoncer les conclusions qu'elles soient financières ou autres.
- Détermination de la juridiction compétente: Selon le montant du litige et la nature du dossier, le tribunal compétent peut varier (Cour du Québec (Chambre civile ou Division des petites créances) ou Cour supérieure du Québec).
- Paiement des frais de justice: Le dépôt de la demande est soumis à des frais de justice, dont le montant varie. Ils comprennent notamment les droits de greffe et les frais de signification des procédures judiciaires par huissier de justice. Les frais de justice sont généralement accordés à la partie en faveur de qui le jugement est rendu.
Suivi de la procédure
Après le dépôt de la demande, la procédure judiciaire suit son cours. Cela inclut :
- L'assignation: Le syndicat de copropriétaires est officiellement informé de la demande par un avis d'assignation et est convoqué à comparaître devant le tribunal. Cet avis l'informera, entre autres, du délai à l'intérieur duquel il doit produire sa réponse et les conséquences auxquelles il s'expose s'il ne répond pas dans ce délai.
- Avis aux copropriétaires : Dans les cinq jours suivants la signification de la demande introductive d'instance, le syndicat a l’obligation d’en aviser tous les copropriétaires, et ce en indiquant l’objet de la demande.
- Réponse: Dès réception de la demande introductive d'instance et de l'avis d'assignation par l'huissier de justice, si votre syndicat souhaite contester la demande, il dispose de 15 jours pour produire une réponse à travers son représentant légal (s’il s’agit d’un recours institué devant la Division des petites créances de la Cour du Québec) ou dans les autres cas par l'avocat qu’il désigne. Dans sa réponse, le syndicat devra indiquer : soit qu’il désire convenir d'un règlement de l'affaire, soit qu’il désire contester la demande et établir avec le demandeur un protocole de l'instance, soit qu’il propose une médiation ou une conférence de règlement à l'amiable. L'omission de cette étape entraînera la poursuite de la procédure en son absence, et un jugement pourrait être prononcé contre le syndicat sans que ce dernier ait eu l'opportunité de se défendre.
- Défense: En tant que défendeur, le syndicat doit exposer dans sa défense tous les éléments de droit ou de fait qu’il l’amène à contester le recours judiciaire engagé contre lui. Un exemple de point de droit pouvant être soulevé est la tardiveté du recours. Il pourra en être ainsi notamment pour le délai de déchéance relatif au recours en annulation des décisions du conseil d’administration ou de l’assemblée des copropriétaires ou un droit prescrit par l’écoulement du temps.
- Le procès: Durant l'audience, les parties présentent leurs arguments oralement devant le juge, qui peut également poser des questions pour éclaircir certains points.
Jugement
Après délibération, le tribunal rend son jugement soit en faveur du demandeur (en acceptant sa demande), soit en faveur du défendeur (en rejetant la demande du demandeur). Il peut aussi arriver que le juge donne raison au demandeur seulement sur certains points. Ce jugement peut être sujet à appel, dans certains cas, en cas de désaccord par l'une des parties.
BON À SAVOIR ! Un avis d'assignation ne demande pas aux administrateurs de se présenter en personne au palais de justice. Il demande plutôt au syndicat de produire, dans le dossier de la cour, un document appelé réponse. À cet égard, le Ministère de la justice a élaboré un guide interactif pour mieux comprendre les divers étapes d'un procès civil. Vous pouvez le consulter en ligne.
À RETENIR: Avant de se lancer dans une procédure judiciaire, tenter une résolution à l'amiable peut être bénéfique. Une médiation peut permettre de résoudre le litige sans avoir à passer par les tribunaux. Ce mode de règlement des litiges consiste à tenter de régler un litige en faisant appel à un tiers neutre, en l’occurrence le médiateur. Il s’agit d’une démarche volontaire engageant les deux parties en désaccord. Elle a pour principal objectif de faciliter les échanges afin de désamorcer le conflit et trouver un terrain d’entente.
ATTENTION ! Souvent, la déclaration de copropriété prévoit que tout litige avec le syndicat doit être résolu par médiation ou arbitrage, ce qui exclut de fait la possibilité de porter l'affaire devant les tribunaux. Il est donc recommandé de vérifier les dispositions de votre déclaration de copropriété afin d'éviter un rejet de votre action en justice par le tribunal, qui pourrait alors ordonner aux parties de régler leur différend par médiation ou arbitrage.
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