Recours judiciaires pour le syndicat de copropriétaires en matière de vices cachés, vices de conception et vices de construction

La loi encadre la responsabilité des entrepreneurs et des professionnels du bâtiment, pour tout problème lié à la qualité des travaux de construction. En cette matière, le législateur a prévu un régime de protection spécifique à la copropriété divise. L’article 1081 du Code civil du Québec reconnait l’intérêt juridique, à tout syndicat de copropriétaires, de faire valoir les droits de l’ensemble des copropriétaires pour faire corriger les déficiences susceptibles d’apparaître, et ce, pendant une période plus ou moins longue. Cela pourrait survenir lors de la construction initiale de l’immeuble, ou à l’occasion de travaux réalisés plusieurs années après son érection.

En somme, lorsque des problèmes affectent les parties communes, le syndicat bénéficie de plusieurs garanties légales. Parmi elles, on compte entre autres celle contre les vices cachés, les vices de conception ou de construction. Ces garanties valent leur pesant d’or, car bien souvent, le coût des travaux à engager dans une copropriété peut être substantiel.

Responsabilité du syndicat

L’article 1039 du Code civil du Québec énonce que le syndicat a pour objet la conservation de l’immeuble, l’entretien et l’administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d’intérêt commun. L’article 1077 du Code civil du Québec ajoute, pour sa part, que « le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d’entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire. ». Le syndicat est, de ce fait, soumis à un régime de responsabilité sans égard à la faute, car c’est lui qui doit assurer la conservation de l’immeuble et l’entretien de ses parties communes.

Recours judiciaire du syndicat (parties communes) 

En présence d’un vice de construction affectant les parties communes de l’immeuble, il incombe au syndicat de rechercher et de mettre en jeu la responsabilité des auteurs de ces désordres. La loi lui a clairement octroyé le pouvoir, la qualité et l’intérêt juridique d’instituer tout recours judiciaire qui s’impose, au regard des vices et des déficiences qui pourraient affecter les parties communes de l’immeuble. L’article 1081 du Code civil du Québec traite des modalités de l’action fondée sur un vice caché, un vice de conception ou de construction, ainsi qu’un vice du sol.

 Ce recours judiciaire peut être intenté contre :

  • Le promoteur;
  • L’entrepreneur;
  • Le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés;
  • L’ingénieur et/ou l’architecte qui a dirigé ou surveillé les travaux de construction;
  • L’architecte et/ou l’ingénieur (même s’ils n’ont pas surveillé ou dirigé les travaux) pour tout vice de conception à l’égard d’un défaut ou d’une erreur au regard des plans, des devis ou de l’expertise qu’ils ont fournis.

Recours judiciaire du syndicat au bénéfice des copropriétaires

Le syndicat peut intenter un recours judiciaire fondé sur un vice affectant les parties privatives, à la condition d’en avoir obtenu l’autorisation par les copropriétaires concernés. Lorsque plusieurs d’entre eux subissent des préjudices semblables ou identiques dans leur partie privative, il est souvent beaucoup plus pratique et économique d’agir par le truchement du syndicat. De plus, lorsqu’il est autorisé par ceux-ci à le faire, un syndicat de copropriétaires est en droit de réclamer non seulement ses propres dommages et ceux subis par les copropriétaires lorsqu’un vice affecte les parties privatives, mais aussi les dommages subis par les copropriétaires lorsqu’ils découlent d’un vice qui affecte les parties communes incluant celles à usage restreint, telles les fenêtres de leurs unités.  

Dénonciation dans un délai raisonnable 

Mais avant d’entreprendre quelque recours que ce soit, le conseil d’administration doit préalablement dénoncer le problème aux personnes visées (ex.: l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur), par écrit et avec diligence. En matière de vices cachés, il est en principe requis de le faire au plus tard six mois après leur découverte. Cette démarche vise à informer celui dont la responsabilité est recherchée, que des travaux restent à être terminés, ou que certains d’entre eux sont non-conformes. Les personnes interpellées auront ainsi la chance de venir constater les problèmes dont il est question, sur place et le plus rapidement possible, et de faire exécuter les travaux correctifs (le cas échéant).

Mise en demeure

En l’absence de réponse à cette dénonciation, ou en cas de refus d’y donner suite, le syndicat devra alors envoyer une mise en demeure aux personnes concernées, pour les sommer d’honorer leurs obligations. Généralement, cette lettre est accompagnée d'un rapport écrit par un professionnel du bâtiment décrivant les défauts et les vices constatés. Elle prévoira aussi un délai au cours duquel les réparations devront être effectuées, au frais des personnes responsables. À défaut d’agir, le syndicat fera lui-même réaliser les travaux correctifs. Il réclamera ensuite les dépenses encourues, au moyen d'un recours approprié. Rappelons que l'on peut fusionner, dans un même document écrit, la dénonciation d'un vice qui inclurait la sommation d'y remédier (mise en demeure).

Copropriété nouvellement constituée

Lorsqu’il s’agit d’une copropriété récente, il incombe au nouveau conseil d’administration du syndicat de s’assurer, suite à la perte de contrôle (50 % +1) du promoteur sur la copropriété, que l’immeuble est exempt de déficiences ou de vices. Il y veillera, notamment, en requérant les services de professionnels du bâtiment, afin de procéder à une inspection visuelle de l’immeuble et de ses composantes. Cette démarche ne devrait jamais être écartée par le syndicat ou ses administrateurs, sous prétexte que l’immeuble est neuf ou sous « garantie ».

Par ailleurs, précisons que le délai de six mois prévus pour procéder à une dénonciation relative à un vice caché doit être respecté, coûte que coûte, car cela pourrait affecter l’existence même d’un droit de recours. Cela dit, ce délai commence à courir à compter du jour de l’élection du nouveau conseil d’administration, qui vient succéder celui de l'administrateur transitoire

Copropriété (syndicat) qui fait engager les travaux

Lorsqu’un syndicat de copropriétaires engage des travaux dans les parties communes, il agit dès lors comme un maître d’ouvrage, puisqu’il en est le commanditaire et le bénéficiaire. C’est donc lui qui définit le cahier de charges et par conséquent les besoins, le budget, le calendrier prévisionnel ainsi que les objectifs à atteindre. Il peut s’agir de travaux de réparation ou de remplacement des parties communes, ou encore de modifications à faire dans l’immeuble. Ces travaux pourraient aussi comporter des défauts ou des vices, d’où la nécessité d’être vigilant.

Une fois ces travaux terminés, le conseil d’administration procède à leur réception et pourrait exprimer des réserves. Cette réception validera (ou non) la conformité des travaux au regard du contrat intervenu avec l’entrepreneur, ainsi que leur réalisation selon les conditions établies. S’ils ne répondent pas à ces critères, le syndicat devra utiliser les garanties dont il dispose. Par ailleurs, il faut savoir que la réception de l’ouvrage par le syndicat marque le point de départ de la garantie légale relative aux malfaçons.

Faire valoir ses droits

Si le syndicat n’obtient pas satisfaction à l’issue de l’envoi d’un avis de dénonciation et d’une mise en demeure, il sera toujours temps (pour lui) d'agir en justice ou de faire valoir ses droits, si nécessaire, dans le cadre d’un plan de garantie obligatoire ou optionnel. Mais il devra bien connaître les différents types de recours mis à sa disposition. Au besoin, un syndicat devrait requérir les services d’un avocat expérimenté en droit de la copropriété. Ce dernier pourra agir en tant que conseiller aguerri, au regard des options légales qui peuvent être déployées.

 

BON À SAVOIR !​ Il ne faut pas confondre les désordres affectant l’immeuble par le fait de travaux déficients, avec l’obligation qu’a le syndicat de voir à l’entretien des parties communes. En procédant à une inspection de l’immeuble par un professionnel du bâtiment, ainsi qu’à une dénonciation formelle, on évitera notamment que dans sa défense à une éventuelle poursuite, l’auteur à l’origine des déficiences puisse opposer qu’il s’agissait, en fait, d’un défaut d’entretien imputable au syndicat.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR :​ En vertu de l’article 1077 du Code civil du Québec, le syndicat est responsable (de plein droit) des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par des vices de conception ou de construction de l’immeuble, même s’ils sont antérieurs à sa mise en copropriété (publication d’une déclaration de copropriété), mais aussi des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par son propre défaut d’entretien des parties communes.

ATTENTION !​​ Le syndicat doit agir dans les délais prévus par la loi, faute de quoi sa poursuite en justice pourrait être déclarée irrecevable. Seul le dépôt d’un recours judicaire permet d'interrompre la prescription extinctive applicable à chaque garantie. Rappelons qu’une mise en demeure n’a pas comme effet d’interrompre ce délai. Certains entrepreneurs peu scrupuleux auront donc tout intérêt à être lents à y réagir, raison pour laquelle la vigilance est de mise.

 

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