Les irrégularités constatées lors d’une assemblée de copropriétaires ne rendent pas les décisions prises inexistantes, mais annulables. En conséquence, le copropriétaire qui entend se prévaloir de l’irrégularité d’une décision doit entreprendre un recours judiciaire, conformément à l’article 1103 du Code civil du Québec. Voulant favoriser la stabilité des décisions prises par l’assemblée, le législateur ne permet d’intenter un tel recours que dans certaines circonstances. Ainsi, tout copropriétaire a le droit de demander au tribunal l'annulation ou, de manière exceptionnelle, la modification d'une décision prise lors de l'assemblée.
Ce recours peut être exercé si la décision est jugée partiale, si elle a été prise dans l’intention de nuire aux copropriétaires ou au mépris de leurs droits, ou encore si une erreur s’est produite dans le calcul des voix.
Causes d’annulation ou de modification
Un copropriétaire peut ainsi engager un recours judiciaire pour faire sanctionner notamment des excès de la majorité des copropriétaires et demander l’annulation d’une décision prise par une assemblée de copropriétaires. Les causes permettant l’intervention du tribunal sont les suivantes :
Partialité d’une décision
Une résolution (décision) votée ou rejetée en assemblée de copropriétaires est considérée partiale lorsqu’elle est prise au mépris de l'équité, de l'objectivité ou de l’intérêt collectif, par exemple elle favorise ou défavorise indument un ou plusieurs copropriétaires. Ce type de décision qualifiée, selon le cas, d'«abus de majorité» ou d'«abus de minorité» peut ainsi être sanctionnée lorsque seul un nombre restreint de copropriétaires en tire avantage, alors qu’aucun élément objectif ne peut la justifier.
Intention de nuire aux copropriétaires
L’intention de nuire constitue, en droit, le sommet de l’échelle des fautes qui peuvent être reprochées aux copropriétaires en assemblée, car elle comporte une connotation de mauvaise foi. Elle consiste, pour l’assemblée des copropriétaires, à user de ses droits sans avantage pour le syndicat et dans l’intention de nuire aux droits individuels des copropriétaires ou, à tout le moins, dans un but contraire à l’intérêt collectif.
Mépris des droits des copropriétaires
Les termes " mépris des droits des copropriétaires " couvrent une large gamme de cas d’espèce. En voici une liste non exhaustive :
Cependant un trop grand formalisme entourant certaines règles de procédure pourrait occasionner une prolifération de recours en annulation de décision d’assemblée. C'est pourquoi, il appartient au tribunal d’évaluer les conséquences d’un vice procédural sur l’expression du vote formulé par la majorité.
Erreur dans le calcul des voix
Il doit être tenu compte dans le calcul des voix de la règle énoncée à l’article 1090 du Code civil du Québec qui stipule ce qui suit: « Chaque copropriétaire dispose, à l’assemblée, d’un nombre de voix proportionnel à la valeur relative de sa fraction ». Ce nombre de voix est lié à la part du droit de propriété qu'il détient dans l’immeuble. De plus, il faut savoir que certaines règles particulières prévues au Code civil du Québec ont pour objet d'atténuer ce principe général. Ainsi, une décision peut être viciée si l’on n’a pas pris compte de :
Toutefois, il est parfaitement inutile d'engager un recours en annulation contre le syndicat des copropriétaires lorsque qu'une décision est prise en méconnaissance du droit de vote d’un copropriétaire, dès lors que celui-ci, s'il avait été correctement comptabilisé n'aurait pas changé l'issue de la délibération.
Recours et tribunal compétent
Une demande en nullité ou en modification constitue le recours judiciaire afin que soit déclarée nulle une décision prise par l’assemblée des copropriétaires ou en encore pour qu’elle soit modifiée. Elle sera traitée par un juge de la Cour supérieure du Québec. Une telle procédure devra être préparée et déposée au tribunal par tout copropriétaire qui subit un préjudice ou son avocat. Il appartient au copropriétaire de faire la preuve de ses prétentions.
Pouvoir d’intervention du tribunal
Le tribunal peut désormais non seulement annuler, mais aussi, exceptionnellement, modifier une décision de l’assemblée des copropriétaires qui a été prise dans l’intention de nuire aux copropriétaires ou au mépris de leurs droits, ou encore si une erreur s’est produite dans le calcul des voix. Ce pouvoir devrait toutefois s’exercer avec prudence et parcimonie. Le juge ne pourrait dès lors opérer qu’un contrôle marginal et ne pourrait substituer sa propre appréciation de l’opportunité de la décision prise par les copropriétaires en assemblée. Ce n’est que dans des cas d’erreur manifeste (par ex. un mauvais décompte des voix a eu comme conséquence de rejeter une résolution qui aurait dû être adoptée, n’eût été cette erreur) ou une décision jugée abusive qu'il pourra substituer son appréciation à celle de l’assemblée des copropriétaires quant à l’opportunité d’une décision.
Délai pour agir (délai de déchéance)
La demande en nullité d’une décision d’assemblée doit, sous peine de déchéance, être intentée dans les 90 jours de la date de l’assemblée. De manière plus précise, ce délai commencera à courir à compter du lendemain du jour de l’assemblée des copropriétaires. Une fois le délai expiré, il n'est plus possible de contester une décision (résolution), même si elle est illégale ou que des motifs de contestation se révèlent ultérieurement, et entre autres comme moyen de défense. Ainsi une décision manifestement irrégulière deviendra en quelque sorte régulière, et sera applicable à tous.
Limites au recours
Le recours prévu à l’article 1103 du Code civil du Québec n’autorise pas un copropriétaire à remettre en question le bien-fondé d’une décision de l’assemblée des copropriétaires; elle vise plutôt à remédier aux situations prévues à cet article. Il est de plus inutile d'engager un recours judiciaire contre le syndicat lorsqu'une décision est prise sans prendre compte des droits de votes d’un copropriétaire, dès lors que ceux-ci, s'ils avaient été correctement comptabilisés, n'auraient pas changé l'issue de la délibération. Par ailleurs, le recours judiciaire en annulation d’une résolution d’assemblée de copropriétaires ne suspend pas son exécution. Autrement dit, les décisions sont exécutoires par principe dès l’adoption d’une résolution par l’assemblée des copropriétaires.
Risque associé au recours
L’article 1103 du Code civil du Québec, troisième alinéa permet au tribunal, lorsqu’il rejette un tel recours, de condamner le copropriétaire-demandeur à des dommages-intérêts s’il juge que le recours était futile ou vexatoire. Si le tribunal conclut que le recours entrepris par le copropriétaire constitue un cas flagrant d’acte de procédure abusif, celui-ci pourrait devoir indemniser le syndicat. Outre les frais de justice, le copropriétaire pourrait être tenu de payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice que le syndicat a subi, notamment pour le compenser des honoraires extra-judiciaires et des débours que celui-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, des dommages-intérêts punitifs.
BON À SAVOIR ! Une erreur purement matérielle dans la rédaction du procès-verbal n’affecte pas la validité des décisions prises lors de l’assemblée des copropriétaires, dès lors qu’elle n’a pas d’incidence sur les votes, dont les résultats ont été correctement retranscrits.
À RETENIR: Une simple mise en demeure est insuffisante, car la contestation d’une décision votée ne peut se faire que par le dépôt d’une procédure judiciaire, dans les 90 jours de la date de l’assemblée. Passé ce délai, même une décision manifestement irrégulière deviendra en quelque sorte régulière, et sera applicable à tous.
ATTENTION ! Le syndicat peut introduire une demande reconventionnelle (un moyen de défense) contre l’action du copropriétaire si son action est futile et vexatoire. Il pourra dès lors requérir des dommages-intérêts.