La vie en copropriété s’apparente à une micro-société où les disputes sont omniprésentes. De nombreux conflits sont des chicanes de voisinage, qui se règlent généralement avec civilité. Toutefois, il arrive que certains litiges soient alimentés par des copropriétaires assoiffés de justice qui voudront faire valoir à tout prix leurs droits. C’est pourquoi, la copropriété divise n'est pas à l'abri des plaideurs quérulents qui multiplient les procédures judiciaires pour redresser un dommage réel ou fictif. Ceux-ci se représentent généralement seuls devant les tribunaux. Ils font preuve d’opiniâtreté et de narcissisme en essayant systématiquement d'avoir indirectement ce qui n'arrive pas à obtenir directement. Ces redresseurs de torts cherchent à nuire à autrui, et ce en abusant de leur droit au recours aux tribunaux.
Abus de procédure
Il faut savoir que le droit d’une personne d’ester en justice n’en est pas un qui est sans limite. Comme le précisait la Cour du Québec dans un jugement traitant de la question en copropriété : Le dépôt d’un acte de procédure devant un tribunal judiciaire est un geste grave et empreint de solennité qui engage l’intégrité de celui qui en prend l’initiative. Les tribunaux doivent parfois imposer aux justiciables certaines balises dans l’exercice de leurs droits et sanctionner les abus de procédure. Le tribunal peut ainsi, dans un cas d’abus de procédure, à tout moment, sur demande et même d’office, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif. L’abus de procédure peut résulter notamment d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable, de manière à nuire à autrui, ou encore du détournement des fins de la justice, entre autres si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats publics. La jurisprudence a identifié certains critères qui permettent d’apprécier si une démarche procédurale est abusive ou non. Il en est ainsi notamment de la proportionnalité, des montants pécuniaires réclamés (condamnations monétaires recherchées démesurées, disproportionnées ou atypiques), de l’acharnement durant l’instance, du caractère frivole de l’assise juridique, de la volonté de nuire à autrui (par esprit de vengeance), de l’ incapacité ou refus de respecter l'autorité des tribunaux, du préjudice auquel on expose autrui et du déséquilibre des forces en présence.
Facteurs ou caractéristiques d’un plaideur quérulent
Tel que relaté dans la décision de la Cour du Québec ci-dessus relaté, les facteurs ou caractéristiques qui sont reconnus par les tribunaux comme étant symptomatiques d’un comportement quérulent sont les suivants :
Sanctions
Une fois la demande en justice reconnue abusive, le tribunal peut rejeter celle-ci ou un autre acte de procédure abusif, supprimer une conclusion ou en exiger la modification, refuser un interrogatoire ou y mettre fin ou encore annuler une citation à comparaître. De plus le tribunal peut, s’il l’estime approprié assujettir la poursuite de la demande en justice ou l’acte de procédure à certaines conditions.
La partie victime de cet abus de procédure pourra également s’adresser à la Cour supérieure du Québec ou à la Cour du Québec, afin d’obtenir une ordonnance venant restreindre l’accès à un plaideur quérulent aux tribunaux, et ce en vertu de l'article 55 du Code de procédure civile du Québec. La demande sera présentée et contestée oralement; le juge statuera en fonction des actes de procédure et des pièces versées au dossier.
Ainsi, si une personne fait preuve d’un comportement quérulent, c’est-à-dire si elle exerce son droit d’ester en justice de manière excessive ou déraisonnable, le tribunal peut, d’office ou sur demande lui interdire d’introduire une demande en justice ou de produire ou présenter un acte de procédure dans une instance déjà introduite, sans autorisation préalable du juge en chef ou d’un juge désigné par lui et selon les conditions que celui-ci détermine. L’ordonnance peut être de portée générale ou restreinte à certaines instances, tribunaux ou organismes assujettis au pouvoir de contrôle judiciaire de la Cour supérieure, s’appliquer dans un ou plusieurs districts ou viser une ou plusieurs personnes. Elle peut également être limitée dans le temps. Dans des circonstances exceptionnelles, elle peut même interdire ou limiter l’accès à un palais de justice.
Le tribunal peut également condamner la partie visée à payer, outre les frais de justice, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les débours que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. À cet égard, soulignons que les administrateurs d’une personne morale ne sont pas à l’abri d’une déclaration de quérulence et peuvent être condamnés personnellement au paiement des dommages-intérêts.
BON À SAVOIR ! Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l’acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l’introduit de démontrer que son geste n’est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable et se justifie en droit.
À RETENIR : Le droit d’ester en justice est fondamental et les tribunaux font preuve de grandes précautions avant de déclarer une personne quérulente. Lorsque le juge conclut en ce sens, le but de l’ordonnance sera de minimiser les dommages causés par la déraison du plaideur quérulent sur le système juridique. Le ministère de la Justice du Québec tient un registre public des personnes assujetties à une demande d’autorisation.
ATTENTION ! Lorsqu’une partie institue des procédures judiciaires, il doit s’assurer d’être en possession d’un minimum de preuve qui permette de prétendre à un minimum de droit. L’on ne peut utiliser la procédure dans l’espoir de trouver une preuve inexistante. L’on ne peut pas plus réclamer des montants largement exagérés.