Droits et recours

Un copropriétaire a beau être chez lui dans son appartement, l’usage qu’il en fait doit être conforme à ce que prescrit la déclaration de copropriété. Or, les locations de courte durée de type Airbnb sont parfois interdites si déclaration de copropriété l’indique expressément ou que la destination d'immeuble est exclusivement résidentielle. Ce document peut ainsi contenir des dispositions qui interdisent les activités autres que résidentielles dans l’immeuble. Afin d’assurer le bien-être des personnes qui y vivent, il peut être nécessaire que le syndicat impose des sanctions aux copropriétaires ou aux locataires qui enfreignent le règlement de l’immeuble. Il peut même avoir, en certaines occasions, à recourir au tribunal pour faire valoir les droits de l’ensemble des copropriétaires.

Prévenir la location de type hôtelier

Le règlement de l’immeuble est opposable au locataire ou à l’occupant d’une partie privative (1057 du Code civil du Québec ), dès qu’un exemplaire lui en est remis par le copropriétaire ou par le syndicat de copropriétaires. Mais voilà, comme le temps d’occupation d’une location à court terme est éphémère, la plupart du temps, le syndicat pourra difficilement intervenir pour ramener à l’ordre des locataires temporaires, qui auront peut-être déjà quitté les lieux lorsqu’une action sera prise. S’ajoute à cette problématique la difficulté de prouver que ces personnes ont bel et bien reçu copie du règlement de l’immeuble. Pour ces deux raisons, tout syndicat doit prévoir, dans sa déclaration de copropriété, des clauses explicites et coercitives s’il souhaite réglementer, voire interdire, la location à court terme.

Clause pénale

La déclaration de copropriété peut prévoir, au moyen d’une clause pénale, des amendes découlant du défaut (par un copropriétaire) de respecter le règlement de l’immeuble (article 1622 du Code civil du Québec). En pareille circonstance, le copropriétaire fautif serait tenu de verser une somme forfaitaire au syndicat, à titre de dommages et intérêts. La clause pénale procure, au syndicat, un outil coercitif dont la mise en œuvre est peu coûteuse, ce qui évitera les possibles recours en injonction onéreux.

Pénalités justes et équitables

Le montant d’argent prévu à la clause pénale ne saurait être excessif ou déraisonnable, encore qu’il doive tenir compte des revenus générés par la location à court terme pour être réellement efficace. Au final, ce montant doit décourager les copropriétaires de louer leur unité à court terme, dans le cas où cette activité serait interdite dans l’immeuble. S’il s’avère parfois difficile de statuer sur une somme juste et équitable, le syndicat peut s’inspirer de la Loi sur l’hébergement touristique et son règlement d’application. Elle prévoit des amendes pour ceux qui pratiquent illégalement l’hébergement de courte durée de type hôtelier. Cela dit, un copropriétaire qui ne paie pas les pénalités qui lui sont imposées pourrait se voir forcer la main, au moyen d’un recours intenté contre lui à la Division des petites créances (selon les conditions prévues par la Loi), afin que le syndicat puisse percevoir les sommes dues.

Montants des pénalités dérisoires

Si le montant de la pénalité est insuffisant, celle-ci n’aura peut-être pas l’effet dissuasif recherché. Certains copropriétaires ne s’en formaliseront pas pour autant. Ils continueront de louer leur appartement à court terme, à plus forte raison si le ratio coûts-bénéfices associé à cette activité illicite est avantageux pour eux.  À l’inverse, si le montant de la pénalité a de quoi convaincre les plus récalcitrants, ceux-ci mettront fin à leur activité.

Cependant, il arrive que malgré tous les efforts déployés par le syndicat pour mettre fin, certains irréductibles copropriétaires continuent leurs activités. En pareille circonstance, une injonction représente l’arme ultime en cas de récidive. Elle peut être obtenue en s’adressant au tribunal.

Demande d’injonction : attention

Une fois que le syndicat a obtenu du tribunal une ordonnance d’injonction à l’encontre du copropriétaire fautif et que l’activité cesse, il ne pourra plus lui réclamer pour l’avenir de pénalités. Le copropriétaire Il sera toutefois redevable (des amendes) pour toute infraction commise avant cette ordonnance d’injonction et sa mise à exécution. Par ailleurs, il faut savoir que si le copropriétaire transgresse l'injonction ou refuse d'y obéir, le tribunal peut ordonner la vente de sa fraction ou le déclarer coupable d'outrage au tribunal. 

Accumuler des preuves

Pour obtenir cette injonction, le syndicat doit prouver qu’un copropriétaire loue son appartement en infraction avec le règlement de l’immeuble. Il devra monter un dossier contenant des preuves irréfutables. Celles-ci devront être recueillies sans pour autant porter atteinte aux droits individuels des personnes en cause. Si tout a été fait en respectant les lois en vigueur, ces preuves ne pourraient pas être exclues, sous prétexte qu’elles déconsidéreraient l’administration de la justice ou qu’elles porteraient atteinte aux droits fondamentaux. Rappelez-vous que bien faire les choses évitera, en outre, un possible recours de la part des individus concernés.

Cela dit, une décision concernant la location à court terme donne matière à réfléchir. À tout le moins, elle confirme que tout copropriétaire doit respecter le règlement de l’immeuble. Cette affaire remonte à juin 2016 et met en scène l’actrice américaine Jennifer Lawrence, qui s’est amenée à Montréal à l’occasion d’un tournage. Son agence, Day6 Productions, lui a loué un appartement situé dans la copropriété du Sir George Simpson. Or, le règlement de l’immeuble y interdit la location à court terme (moins d’un an). Qu’à cela ne tienne, le juge de la Cour supérieure n’a pas reconnu l’illégalité de cette location qui a duré trois mois.

Mais deux ans plus tard, la Cour d’appel est venue casser cette décision. Le juge Yves-Marie Morissette s’est notamment référé à l’article 1057 du Code civil du Québec, qui stipule que le règlement de l’immeuble est opposable à un locataire, et ce, dès qu’il en a pris connaissance. À compter du moment où le règlement a été signifié au locataire et à l’occupant, et nonobstant leur ignorance dudit règlement lorsque le locataire a signé le bail, le locataire et l’occupant sont obligés de le respecter. Quant au copropriétaire, le règlement interdisant les locations à court terme fut adopté en septembre 2015, un peu moins d’un an avant la location. Qui plus est, les copropriétaires bailleurs en avaient accusé réception quelques jours après sa mise en vigueur. Il n’y avait donc aucun doute que « cette nouvelle clause leur était opposable », même dans l’hypothèse où ils n’en auraient pas pris connaissance au moment d’en accuser réception.

La Cour d’appel a donc appliqué son propre arrêt rendu en 2001 dans l’affaire Kilzi, à l’effet que le syndicat a bel et bien le droit de moduler le droit à la location en interdisant les locations inférieures à un an dans les immeubles à vocation résidentielle. 

Porter plainte

La Loi sur l’hébergement touristique et son règlement d’application prévoit des amendes pour ceux qui pratiquent illégalement l’hébergement de courte durée de type hôtelier. Tout syndicat aux prises avec des copropriétaires locateurs délinquants a l’intérêt juridique de porter plainte. Sur dépôt d’une plainte, des agents peuvent mener une enquête. L’enquêteur est investi des pouvoirs suivants :

  • Pénétrer à toute heure raisonnable dans un établissement et en faire l’inspection;
  • Prendre des photographies des lieux et des équipements;
  • Exiger la communication, pour examen ou reproduction, d’extraits de tout livre, compte, registre, dossier ou document, si l’inspecteur a des motifs raisonnables de croire qu’ils contiennent des renseignements relatifs à l’application de la loi ou de ses règlements.

 Cette avenue peut s’avérer fort efficace pour un copropriétaire locateur récalcitrant.

 

BON À SAVOIR ! Dès qu’une contravention à la déclaration de copropriété est démontrée, le syndicat qui dispose d’une clause pénale le droit de réclamer le montant indiqué à la pénalité, sans avoir à prouver le préjudice qu’il a subi. Cependant, si le montant est abusif, et qu’un copropriétaire le conteste devant le tribunal, ce dernier pourrait obtenir une réduction du montant de la pénalité.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR :​  Le syndicat de copropriétaires peut sévir à l’encontre des copropriétaires délinquants, au moyen d’une clause pénale qu’il inclurait  dans la déclaration de copropriété. Il faut savoir que cette clause n’y est pas enchâssée automatiquement lorsqu’une copropriété est créée. Par conséquent, un syndicat a tout intérêt à modifier sa déclaration de copropriété, afin d’y introduire cette mesure dont les effets sont habituellement dissuasifs.

ATTENTION !​ ​ Les montants d’une pénalité doivent être raisonnables. Les tribunaux ont le pouvoir d’intervenir pour faire réduire les pénalités jugées abusives. Il faut donc trouver un juste équilibre entre le caractère dissuasif et la mesure disproportionnée d’une pénalité prévue à la clause pénale.

 

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