L’obligation du Syndicat d’entretenir les parties communes, et plus particulièrement les parties communes à usage restreint, est un sujet qui suscite de nombreux débats. Cette obligation, bien que clairement définie, a souvent été source de conflits et de malentendus. Les administrateurs se trouvent fréquemment dans une position délicate lorsque des copropriétaires exigent l’exécution de travaux majeurs. Ces travaux peuvent concerner un balcon sérieusement endommagé ou, comme c’était le cas dans l’affaire MARCHAND, une verrière qui est la source constante d’infiltration d’eau.
Faits
Le couple Marchand est propriétaire d’une unité de copropriété située au quinzième étage d’un immeuble situé à Laval. L’ensemble immobilier comporte 88 unités et il s’agit d’un ensemble luxueux, qui prône le confort, la quiétude et la sécurité de ses occupants.
Des infiltrations d’eau font leur apparition en 2003 et en 2004, s’aggravent avec le temps et, dans une certaine mesure par des travaux bâclés effectués par les entrepreneurs engagés par le Syndicat. L’eau semble s’infiltrer soit par le toit d’une verrière ou par le mur y adjacent. Ladite verrière constitue une pièce d’habitation à l’année, ouverte sur environ 17 pieds et qui donne ouverture au salon et à la cuisine.
Procédures judiciaires
Les procédures judiciaires sont instituées par les copropriétaires en 2004. Les Marchand requièrent l’émission d’une injonction afin que le Syndicat, qui en a d’ailleurs l’obligation selon, entre autre, les articles 1039 et 1077 du Code civil du Québec, fasse exécuter les travaux requis pour que cessent les infiltrations d’eau.
Depuis au moins avril 2004, le Syndicat défendeur, par l’entremise de son expert, qui semble porter plusieurs chapeaux dans le dossier, fait des tests pour trouver la source des infiltrations d’eau dans le condo des Marchand. Le plus grand reproche que le Juge fait au Syndicat et à ses administrateurs, est leur inaction.
Selon le Syndicat et leurs administrateurs, qui sont d’ailleurs poursuivis personnellement dans cette affaire, le Syndicat fait ce qu’il «peut» et agit à l’égard des demandeurs «comme il agirait à l’égard de tous les autres copropriétaires», ni plus, ni moins. Erreur, de dire le Juge Auclair. Il n’est pas suffisant de «traiter» des copropriétaires qui subissent des dégâts d’eau de façon constante, comme si cela constituait un trouble normal dans une copropriété de luxe.
À 3 ou 4 reprises, certains travaux, dont des travaux majeurs à la verrière elle-même, sont effectués par les entrepreneurs du Syndicat, sans aucun succès.
La situation va de mal en pis et en octobre 2005, de guerre lasse, découragés et anxieux, les Marchand décident de forcer le Syndicat à faire les travaux requis en instituant une procédure d’injonction interlocutoire. Il s’agit ici d’une mesure d’urgence qui vise à forcer le Syndicat à effectuer les travaux requis et ce, avant que la cause soit entendue à son mérite, puisque le temps requis sera beaucoup trop long, vu les circonstances.
Tout au cours des procédures judiciaires, qui avaient débuté en 2004, la tension entre les parties n’a pas cessé de monter. À un point tel que les administrateurs, poursuivis personnellement pour leur inaction, avaient décidé à leur tour de poursuivre les demandeurs en dommages-intérêts, plaidant que ces derniers étaient des individus égocentristes, revendicateurs, qui exagéraient l’importance des problèmes subis.
Alors qu’en octobre 2005, les demandeurs ramassaient quelque 12 litres d’eau dans des récipients, dont un gros bac fourni par le concierge de l’immeuble, une administratrice du syndicat défendeur allait même jusqu’à blâmer les demandeurs d’intolérance, d’incompréhension, d’impatience et d’égocentrisme. C’en était trop pour le Juge Auclair et ce dernier décide donc, vu la preuve accablante, d’accorder l’injonction.
Le Juge, à bon droit, mentionne que le Syndicat défendeur, leurs administrateurs et même leur expert oublient leur obligation de résultat qui est de fournir un immeuble sans infiltration d’eau. On ne parlait pas ici de quelques gouttelettes, mais plutôt de quantité impressionnante d’eau recueillie entre le moment de l’institution de la procédure d’injonction interlocutoire et le jugement du 4 novembre 2005.
Conclusions du Juge
Voyant le manque de diligence du syndicat et de ses administrateurs, le Juge Auclair accorde l’injonction, et nomme à titre d’expert l’architecte retenu par les demandeurs copropriétaires, ordonnant de surcroît au Syndicat d’effectuer tous les travaux requis sous sa supervision. Il s'agit de la première cause où un copropriétaire a pu forcer un Syndicat à effectuer des travaux concernant l’enveloppe du bâtiment, tout en retenant lui-même les services du professionnel qui sera en charge de la surveillance des travaux. Vu les circonstances particulièrement pénibles et aggravantes pour le Syndicat dans cette affaire, il est normal que le Juge ait ainsi conclu.
Morale de l’histoire
Trop d’administrateurs font fi des obligations d’entretien qui incombent au Syndicat de copropriété, quant à toute l’enveloppe du bâtiment. Cette obligation s’applique, généralement, quant à toutes les parties communes de l’immeuble, incluant les parties communes à usage restreint comme les balcons, verrières, et autres espaces communs.
Administrateurs et gestionnaires, soyez aux aguets. Il est important pour vous de bien comprendre la nature et le degré de vos responsabilités lorsqu’il s’agit de l’entretien du bâtiment, de son enveloppe, et ce toujours dans l’intérêt de tous les copropriétaires. L’obligation d’entretien est élevée et importante. Il y va du maintien pour les copropriétaires de la valeur de leur investissement, et cette obligation devrait être prise au sérieux par tous les administrateurs et gestionnaires de copropriétés.
À défaut, tous risquent d’engloutir des sommes faramineuses en procédures judiciaires coûteuses et souvent aggravantes pour les individus concernés.