L’obligation du syndicat de copropriété d’entretenir les parties communes, plus particulièrement celles à usage restreint comme les balcons, verrières et autres espaces communs, a fait couler beaucoup d’encre depuis 1994. À cet égard, l'article 1039 du Code civil du Québec prévoit que la collectivité des copropriétaires constitue, dès la publication de la déclaration de copropriété, une personne morale qui a pour objet la conservation de l’immeuble, l’entretien et l’administration des parties communes.
Trop d’administrateurs font fi de cette obligation, quant à l’enveloppe du bâtiment. Une décision rendue le 4 novembre 2005, dans l’affaire Marchand c Syndicat des copropriétaires Le Presqu’Ile 600, rappelle l’importance de cette obligation, relativement à une verrière qui était une source constante d’infiltrations d’eau.
Les faits
Le couple Marchand est propriétaire d’une unité de copropriété située au 15ème étage d’un immeuble luxueux, comptant 88 unités et prônant confort, quiétude et sécurité des occupants.
Des infiltrations d’eau apparaissent en 2003 et 2004. Après des travaux bâclés par des entrepreneurs engagés par le syndicat, les infiltrations se poursuivent et l’eau semble désormais s’infiltrer par le toit d’une verrière ou par le mur adjacent. La verrière est une pièce d’habitation à l’année, ouverte sur 17 pieds et donnant accès au salon et à la cuisine.
La procédure
Des procédures judiciaires sont engagées par les copropriétaires. Ils sollicitent de la Cour une injonction afin que le syndicat fasse exécuter les travaux requis pour que cessent les infiltrations d’eau. Dès lors, le syndicat, par l’entremise d’un expert aux multiples chapeaux, a opéré des tests afin de trouver la source des infiltrations d’eau dans l’unité du couple Marchand.
Selon les administrateurs, poursuivis personnellement pour leur inaction, le syndicat fait ce qu’il « peut » et agit à l’égard des demandeurs « comme il agirait à l’égard de tous les autres copropriétaires ». Cela constitue, selon le juge, une erreur : il est insuffisant de traiter des copropriétaires subissant des dégâts d’eau de façon récurrente comme s’il s’agissait d’un trouble normal dans une copropriété de luxe.
Notons que les administrateurs avaient décidé, en cours de procédure, de poursuivre les demandeurs en dommages-intérêts, en alléguant que ces derniers étaient des individus égocentristes et revendicateurs qui exagéraient l’importance des problèmes subis.
En octobre 2005, alors que les demandeurs récupèrent 12 litres d’eau dans des récipients, une administratrice continue de leur reprocher intolérance, incompréhension, impatience et égocentrisme. C’en est trop pour le Juge Auclair, qui finit par accorder l’injonction le 4 novembre 2005, en mentionnant que le syndicat, leurs administrateurs et même leur expert manquent à leur obligation de résultat : fournir un immeuble sans infiltration d’eau !
La décision
Face au manque de diligence du syndicat et des administrateurs, le juge accorde l’injonction et nomme à titre d’expert l’architecte retenu par les demandeurs, ordonnant de surcroît au syndicat d’effectuer tous les travaux requis sous sa supervision.
Il s’agit de la première cause où un copropriétaire a pu forcer un syndicat à effectuer des travaux concernant l’enveloppe du bâtiment, tout en retenant lui-même les services du professionnel en charge de la surveillance des travaux, ce qui apparaît normal eu égard aux circonstances particulièrement pénibles et aggravantes de l’affaire.
Les conclusions
Administrateurs et gestionnaires, soyez aux aguets ! Il est important de bien comprendre la nature et le degré de vos responsabilités lorsqu’il s’agit de l’entretien du bâtiment, de son enveloppe, et ce, toujours dans l’intérêt de tous les copropriétaires.
L’obligation d’entretien est élevée. Il en va du maintien pour les copropriétaires de la valeur de leur investissement, et cette obligation doit être prise au sérieux par tous les administrateurs et gestionnaires de copropriété. À défaut, le risque d’engloutir des sommes faramineuses en procédures judiciaires est colossal et la pilule peut s’avérer amère.
BON À SAVOIR ! L'article 1039 du Code civil du Québec a fait l'objet d'une modification, par suite de l'adoption du Projet de loi 16. À la fin du premier alinéa, parlant de la collectivité des copropriétaires (syndicat), on peut y lire la phrase suivante : "Elle doit notamment veiller à ce que les travaux nécessaires à la conservation et à l’entretien de l’immeuble soient effectués." Advenant que le syndicat fasse défaut d’en assurer l’entretien et la conservation, il est susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Yves Joli-Coeur, Ad. E.
Avocat
Dunton Rainville
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