Date de publication: 29/12/2024
L'intolérance en copropriété : un jugement qui fait réfléchir
Vivre en copropriété implique un équilibre entre jouissance de son unité et respect du voisinage. Mais que se passe-t-il lorsque cet équilibre est rompu par des comportements excessifs et persistants ? Un jugement marquant met en lumière les conséquences légales de l'intolérance démesurée en milieu de copropriété. Ce cas illustre à quel point le respect des droits des autres copropriétaires est essentiel pour maintenir une harmonie collective. Les tribunaux peuvent intervenir de manière décisive pour corriger les abus et restaurer l'équilibre dans la communauté.
Chronologie d'un conflit
Dans un immeuble en copropriété, un couple nouvellement installé entreprend des travaux d’aménagement dans son unité. Dès le lendemain, des voisins de longue date déposent une plainte pour bruit.
Bien que le couple ajuste les horaires des travaux pour limiter les désagréments, les plaintes se multiplient, allant jusqu’à exiger un silence complet dès 20 h 30. Progressivement, les tensions s’aggravent. Le comportement des voisins se transforme en harcèlement : intrusions non autorisées dans l’unité des nouveaux arrivants, interruptions répétées lors de réceptions amicales ou familiales, et humiliations publiques. La situation atteint un point critique lorsqu’un des membres du couple décide d’acquérir un piano, déclenchant une opposition acharnée des voisins, alors même qu’aucun autre résident de l’immeuble ne s’en plaint.
Un recours judiciaire pour mettre fin au harcèlement
Confronté à cette situation insoutenable, le couple, désormais demandeurs dans l'affaire, décide de se tourner vers les tribunaux. Ils dénoncent une atteinte à leur vie privée ainsi qu'à leur droit de jouir paisiblement de leur unité, des droits protégés par :
Analyse juridique et conclusions du tribunal
Le tribunal a conclu que les voisins, devenus défendeurs dans cette affaire, avaient excédé les limites de la tolérance normalement attendue en copropriété, en particulier dans un environnement urbain. Parmi les faits retenus :
- Des plaintes non fondées : Les nombreuses réclamations des défendeurs étaient motivées par une intolérance déraisonnable.
- Des comportements fautifs : Intrusions, intimidations et humiliations répétées constituaient un véritable harcèlement moral.
- Le respect des demandeurs : Le couple a fait preuve de bonne foi en adoptant une attitude conciliante, conforme aux usages normaux d’une copropriété.
En se fondant sur les principes de bonne foi (art. 6 du Code civil du Québec) et d’équilibre dans l’exercice des droits de propriété (art. 1063 du Code civil du Québec), le tribunal a établi que les défendeurs avaient manqué à leurs obligations légales et contractuelles. En outre, en application de l’article 1457 du Code civil du Québec, le tribunal a reconnu une faute causant un préjudice :
« Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. »
Les dommages : une réparation et un avertissement
Dommages moraux
Les demandeurs avaient initialement réclamé 20 000 $ pour les troubles subis. Le tribunal leur a accordé 5 000 $, estimant que les comportements prolongés des défendeurs avaient causé un stress significatif et une atteinte à leur qualité de vie.
Dommages-intérêts punitifs (exemplaires)
Concernant les dommages punitifs, le tribunal a retenu que les défendeurs avaient agi intentionnellement, avec malice et mauvaise foi, en portant atteinte aux droits fondamentaux des demandeurs. Conformément à l’article 49 de la Charte des droits et libertés de la personne et à l’article 1621 du Code civil du Québec, il a octroyé 2 000 $ pour prévenir la réitération de tels comportements.
« Les défendeurs doivent être dissuadés de continuer à agir de la sorte. Les dommages punitifs visent à prévenir que leurs comportements fautifs se reproduisent. »
Une injonction pour rétablir l’ordre
En plus des dommages, le tribunal a émis une injonction permanente interdisant aux défendeurs de poursuivre leurs comportements fautifs, afin de rétablir un climat de paix dans l’immeuble.
Une leçon à retenir
Cette décision envoie un message clair : vivre en copropriété implique le respect des droits et obligations de chacun. L’abus d’intolérance, même justifié par des plaintes apparemment légitimes, peut entraîner des conséquences légales graves. Ce jugement illustre l’importance de la cohabitation harmonieuse et sert d’avertissement pour quiconque envisagerait de harceler ses voisins sous prétexte de troubles anodins.
CONSULTER LE JUGEMENT; Noël c. Lapointe, 2017 QCCS 3939
Yves Joli-Coeur, Ad. E.
Avocat
Dunton Rainville
3055 Boulevard Saint-Martin O
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Laval, QC H7T 0J3
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