21 juillet - Les copropriétaires québécois sont nombreux à bouder les assemblées générale annuelles. Ce faisant, ils paralysent littéralement les décisions qui doivent être prises dans un immeuble. Cela se produit fréquemment lorsqu'il faut voter des travaux de transformation, d'agrandissement ou d'amélioration des parties communes d'une copropriété.
Pour remédier à cet absentéisme chronique, le Groupe de travail sur la copropriété propose une cure drastique: abaisser les majorités requises pour faciliter les votes concernant ces travaux. À l'heure actuelle, pour pouvoir les réaliser, le Code civil du Québec (article 1097) impose une majorité renforcée en nombre de copropriétaires et en voix.
Or, en pareille circonstance, il faudrait réduire à 75 % le nombre des voix des copropriétaires présents ou représentés à une assemblée, plutôt que 75 % des voix de tous les copropriétaires vivant dans un immeuble, pense le Groupe de travail.
Le Comité consultatif sur la copropriété, qui a produit un mémoire recensant les principales problématiques vécues en copropriété, croit également qu'une révision des majorités requises devrait être envisagée. Cependant, il faudrait évaluer la portée de leur abaissement pour certains types de travaux.
L’idée est sûrement très bonne en ce qui a trait aux performances énergétiques accrues d’un immeuble, ou au remplacement d'un système d’éclairage par un autre moins énergivore. Mais il en va tout autrement pour des améliorations somptuaires, comme le réaménagement d’un hall d’entrée ou le remplacement de tapis par des revêtements plus onéreux (ex. : marbre).
Ces transformations d’ordre esthétique n’hypothèquent en rien l’entretien et la conservation du bâti. « Or, certains copropriétaires n’auront pas forcément les moyens de payer pour des travaux cosmétiques », croit l'avocat émérite Yves Joli-Coeur, qui fut l'un des sept membres à siéger au sein de ce comité.
L'érosion des majorités en France
La France illustre l'exemple par excellence d'une érosion des majorités requises au fil du temps. Depuis la loi de 1938 dans ce pays, en passant par celle du 10 juillet 1965 jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi ALUR (Accès au logement et un urbanisme rénové) le 27 mars 2014, les copropriétaires ont vu leur prérogatives s'étioler considérablement en matière de votes. « Dorénavant, la seule utilité pour un immeuble suffit. La conception contractuelle s’éloigne de plus en plus au profit d’une logique sociale », souligne Florence Jammes, professeure-chercheuse à la Toulouse Business School.
En résumé, la révision à la baisse récurrente des majorités requises fragilise plusieurs copropriétés, plus particulièrement celles dont la situation financière est déjà précaire. "Cela pourrait entraîner une désengagement massif des copropriétaires à un projet collectif", poursuit Florence Jammes. En somme, c'est tout le concept propre à la copropriété qui se verrait remis en question, ce qui donnera certes matière à réflexion dans les mois et les années à venir.
Montréal 21 juillet 2014