Remise du double des clés : obligations, limites et conséquences juridiques
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L’article 7 de la Charte des droits et libertés de la personne garantit l’inviolabilité de la demeure. En principe, personne ne peut avoir accès à l’appartement d’un copropriétaire sans son consentement. Toutefois, il a été jugé à bon droit que cette règle n’était pas absolue. C’est pourquoi la plupart des déclarations de copropriété imposent aux copropriétaires, locataires ou occupants de laisser un double des clés au conseil d’administration ou à la personne mandatée pour leur conservation. Cette exigence vise notamment à permettre une intervention rapide en cas d’urgence.
Encadrement légal de l’accès aux parties privatives
La déclaration de copropriété énonce généralement que tout copropriétaire, locataire ou occupant doit remettre un double des clés de sa partie privative au syndicat. Cependant, l’accès à une unité ne peut se faire que dans des circonstances précises, telles qu’un incendie ou une intervention urgente causée par un bris de tuyauterie, une défaillance électrique, un bris de fenêtre, un dégât d’eau ou une infiltration d’eau pluviale.
Dans cet esprit, la Cour Supérieure du Québec a jugé que cela ne violait pas la Charte des droits et libertés de la personne, notamment aux articles 6 (droit à la jouissance des biens) et 7 et 8 (inviolabilité de la demeure ). Cette décision s’appuie sur les articles 1062 et 1066 du Code civil du Québec, qui encadrent l’entretien des parties communes et l’obligation de collaboration des copropriétaires en matière de gestion de l’immeuble.
Toutefois, sauf en cas d’urgence, les administrateurs du syndicat ne peuvent accéder à une unité sans raison valable. Toute intervention doit être précédée d’un avis respectant les délais prévus dans la déclaration de copropriété et, lorsque requis, du consentement du copropriétaire. Il serait ainsi illégal d’entrer dans une unité pour un simple soupçon de travaux non autorisés sans en avoir informé le copropriétaire au préalable.
Système d’alarme
Par ailleurs, la déclaration de copropriété prévoit habituellement que si l’unité d'habitation est munie d’un système d’alarme, le code d’accès doit être divulgué aux administrateurs, car à défaut de le faire, un syndicat ne pourrait pas être blâmé d’avoir procéder au déclenchement du système d’alarme; le copropriétaire concerné devrait assumer les frais de réparation qui en découleraient ainsi que toute autre facture afférente. Il faut savoir que plusieurs réglementations municipales prévoient une amende pour toute fausse alarme en raison du déplacement des policiers.
Conséquences du non-respect de l’obligation : une décision judiciaire déterminante
Les règles encadrant la remise des clés ou la communication du code d’alarme ne sont malheureusement pas toujours respectées par les copropriétaires. Pourtant, en cas d’urgence, l’absence de ces informations peut retarder une intervention cruciale, mettant en péril tant la sécurité des occupants que l’intégrité du bâtiment.
Un manquement aux lourdes conséquences
Dans l’affaire Syndicat des copropriétaires du 1200 Ouest c. Sarhan (2025 QCCS 434), la Cour supérieure a souligné les conséquences graves du non-respect de cette obligation. Un copropriétaire, refusant de remettre un double de ses clés, a retardé l’intervention du syndicat lors d’un dégât d’eau. Cette omission a aggravé les dommages et lui a valu une condamnation à verser 50 000 $ en réparation des préjudices causés.
Une responsabilité partagée
Toutefois, le tribunal a également reproché au syndicat son manque de rigueur dans l’application des règles de la déclaration de copropriété. En conséquence, la responsabilité des dommages a été partagée à parts égales entre le copropriétaire et le syndicat. Ainsi, sur la franchise d’assurance de 100 000 $ réclamée par le syndicat, ce dernier doit en assumer la moitié, soit 50 000 $. Une « facture » qui se répercute sur l’ensemble des copropriétaires, proportionnellement aux valeurs relatives de leurs fractions.
Un rappel à la vigilance
Ce jugement met en lumière l’importance, pour les administrateurs du syndicat, de faire respecter rigoureusement la déclaration de copropriété. Toute négligence en la matière peut entraîner des conséquences financières significatives pour l’ensemble des copropriétaires.
BON À SAVOIR! En cas d'incendie ou de dégât d'eau, il est primordial d’avoir les clés de l’appartement, afin d’y accéder rapidement, plutôt que de recourir aux services des pompiers qui vont défoncer la porte. De même, en cas de perte de ses clés, le copropriétaire ou l’occupant peut trouver avantageux d'emprunter celles détenues par le syndicat plutôt que de faire appel à un serrurier.
À RETENIR: Il n'est pas interdit pour un syndicat d'avoir le double des clés de l'appartement d'un copropriétaire. Au contraire, il s’agit d’une obligation formelle contenue dans la plupart des déclarations de copropriété que tous doivent respecter. Toutefois, les représentants du syndicat ne sont autorisés à pénétrer dans la partie privative qu'en cas d'urgence, notamment, et non limitativement, en cas d'incendie, de bris de tuyau, d'une rupture des circuits électriques, d'un bris des fenêtres ou des vitres ou d’une infiltration d'eau par inondation ou autrement.
ATTENTION! Le copropriétaire qui refuse de remettre la clé de sa partie privative au syndicat s'expose à engager sa responsabilité civile; il pourrait être tenu responsable des dommages résultant d’une impossibilité à pénétrer rapidement dans son unité d'habitation, comme l’a démontré le jugement de la Cour supérieure, dans Syndicat des copropriétaires du 1200 Ouest c. Sarhan (2025 QCCS 434).
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