Le droit de vote est reconnu comme un élément essentiel de toute société moderne, et à ce titre, les copropriétaires ne peuvent pas en être privés sauf exception prévue dans la loi. De plus, chaque copropriétaire dispose, en principe, à l’assemblée d’un nombre de voix proportionnel à la valeur relative de sa fraction. Toutefois, dans certaines circonstances, il est prévu que le copropriétaire peut voir son droit de vote suspendu ou réduit, par le seul effet de la loi. Il importe de savoir qui peut être touché par ces restrictions et quelles en sont les conséquences.
SUSPENSION
L’article 1094 du Code civil du Québec stipule que « Le copropriétaire qui, depuis plus de trois mois, n’a pas acquitté sa quote-part des charges communes, est privé de son droit de vote. Il peut à nouveau exercer ce droit dès qu’il acquitte la totalité des charges communes qu’il doit. ». Cette privation du droit de vote vise uniquement les voix rattachées à la fraction concernée par un défaut de paiement.
Le copropriétaire défaillant ne peut donc plus voter en assemblée, tant et aussi longtemps qu’il n’a pas remédié complètement à son défaut. Pour recouvrer son droit de vote pour cette fraction, il lui faudra payer son dû. Le copropriétaire concerné peut le faire en tout temps et même pendant l’assemblée. Cependant, le syndicat pourrait exiger que le paiement soit reçu en argent comptant, au moyen d’un mandat postal ou d’un chèque visé, par carte de crédit ou par virement bancaire (article 1564 du Code civil du Québec).
RÉDUCTIONS
L’article 1076 du Code civil du Québec stipule que « le syndicat peut, s’il y est autorisé, acquérir ou aliéner des fractions, des parties communes ou d’autres droits réels ». Mais en assemblée générale, ce dernier ne peut exercer les droits de vote qui s’y rattachent. Le nombre de voix exprimées à l’assemblée des copropriétaires s’en trouve réduit d’autant.
Dans les petites copropriétés comportant moins de 5 fractions, le législateur a voulu éviter qu’un copropriétaire majoritaire puisse y « faire la pluie et le beau temps », s’il dispose d’un nombre de voix supérieur à la majorité (50% + 1 des voix). Selon le principe prévu à l’article 1091 Code civil du Québec, le nombre de voix du copropriétaire majoritaire est ramené au total des voix des autres copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée. Il ne peut donc jamais détenir une majorité absolue des voix de la copropriété.
Prenons un exemple pour bien comprendre le calcul. Dans une copropriété comportant quatre unités représentant respectivement des valeurs relatives de 35 %, 25 %, 20 % et 20 %, un copropriétaire qui détiendrait les unités valant respectivement 35 % et 20 % n’aurait pas un droit de vote de 55 %, mais un droit de vote de 45 % (l’équivalent de la valeur relative des deux autres unités, soit 25 % et 20 %) si tous les copropriétaires sont présents à l’assemblée. Si le seul autre copropriétaire présent est celui détenant une valeur relative de 25 %, le propriétaire détenant les deux unités (totalisant 55 %) ne détiendrait qu’un droit de vote de 25 %.
Advenant un désaccord entre le copropriétaire majoritaire et les autres copropriétaires, il y aura impasse. Les copropriétaires devront faire un compromis, en se prévalant si requis des mécanismes de médiation ou d’arbitrage prévus à leur déclaration de copropriété. Et advenant qu'il n'y ait pas de telles dispositions à la déclaration de copropriété, ceux-ci pourront requérir l'intervention du tribunal pour dénouer l'impasse.
Pour éviter qu’un promoteur possédant plus de la moitié des voix de la copropriété ne dicte sa volonté lors des assemblées générales, l’article 1092 du Code civil du Québec limite son contrôle sur les décisions de l'assemblée des copropriétaires. Cet article stipule que « Le promoteur d’une copropriété comptant cinq fractions ou plus ne peut disposer, outre les voix attachées à la fraction qu’il occupe, de plus de 60% de l’ensemble des voix des copropriétaires à l’expiration de la deuxième et de la troisième année de la date d’inscription de la déclaration de copropriété. Ce nombre est réduit à 25% par la suite.».
Ainsi, les droits de vote du promoteur sont réduits progressivement, sauf pour la fraction qu’il occupe. Il y a lieu d’identifier trois périodes distinctes :
1ère période : durant les deux années suivant l’inscription de la déclaration de copropriété, il n’y a aucune réduction;
2ème période : à l’expiration de la deuxième année suivant l’inscription de la déclaration de copropriété et ce, jusqu’à l’expiration de la troisième année, le nombre de voix du promoteur ne peut dépasser 60 % de l’ensemble des voix des copropriétaires;
3ème période : à l’expiration de la troisième année suivant l’inscription de la déclaration de copropriété et en tout temps par la suite, le nombre de voix du promoteur ne peut dépasser 25 % de l’ensemble des voix des copropriétaires
Par ailleurs, aux termes de l’article 1093 du Code civil du Québec, cette réduction de voix s’applique aussi à l'ayant cause du promoteur. Toutefois, cette règle ne vise pas l'ayant cause qui a acquis, de bonne foi, la fraction, et ce dans l’intention de l’occuper et pour un prix égal à sa valeur marchande. Ainsi, si le promoteur cherchait à contourner cette réduction de vote en transférant des fractions à des personnes de son entourage (ex. : membres de sa famille, partenaire d'affaires, etc.), ces derniers seraient elles aussi affectées par la réduction du droit de vote, et les droits de vote attachés à leurs fractions seraient inclus dans le pourcentage maximum de 60 % ou de 25 % attribué au promoteur.
CONSÉQUENCES DE LA RÉDUCTION DES DROITS DE VOTE
L’article 1099 du Code civil du Québec, prévoit que :
Lorsque le nombre de voix dont dispose un copropriétaire ou un promoteur est réduit, ou lorsqu’il est privé de son droit de vote, le total des voix des copropriétaires est réduit d’autant..
Cette disposition vient préciser les effets de la suspension et de la réduction des droits de vote lors d'une assemblée. Il est ainsi prévu que la réduction ou la suspension du droit de vote n’a pas pour effet d’empêcher la tenue un vote qui requiert la majorité absolue ou renforcée.
BON À SAVOIR ! Les règles relatives à la suspension ou la réduction des droits de vote sont impératives. Il appartient au Président de l’assemblée des copropriétaires de veiller à leur application. En cas de non-respect de ces règles, tout copropriétaire est fondé d'engager un recours judiciaire en annulation des décisions prises lors de l'assemblée, et ce, dans les dans les 90 jours de l’assemblée.
À RETENIR: Dans les copropriétés comportant moins de 5 fractions, le copropriétaire majoritaire verra son nombre de voix ramené, en tout temps, à l’équivalent de la somme des voix détenues par les autres copropriétaires.
ATTENTION ! Il ne faut pas confondre les conséquences de la suspension des droits de vote de celles de la réduction des droits de vote. Dans le premier cas, il peut être mis fin, sans formalité, à cette suspension par le paiement au syndicat des sommes impayées par le copropriétaire défaillant. Dans le second cas, le copropriétaire dont les droits de vote sont réduits ne peut en aucun cas en récupérer la pleine valeur.
CONSULTEZ L'OUVRAGE: Guide de procédure et de fonctionnement des assemblées des copropriétaires
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