Destination de l'immeuble
La destination de l’immeuble, des parties privatives et des parties communes est une notion fondamentale en matière de copropriété. Elle constitue à la fois un véritable régulateur des droits et obligations des copropriétaires et une valeur de référence entre le permis et l’interdit. La destination d'immeuble est déterminée dans la 1ère partie de la déclaration de copropriété (acte constitutif de copropriété). C’est elle qui permet également d’établir le type de copropriété établie et qui définit quels types d’usage il peut être fait des parties privatives et communes. Celle-ci peut être ainsi exclusivement commerciale ou résidentielle ou encore résidentielle mais avec possibilité de pratiquer une activité professionnelle.
Elle peut également être mixte, soit celle permettant, par exemple, la présence de commerces au rez-de-chaussée et d'appartements aux étages supérieurs.
Raison d’être
La notion de destination d’immeuble constitue tout à la fois la limite de l’usage que peut faire le copropriétaire de son unité que des restrictions que peut lui imposer la déclaration de copropriété: peut-on exploiter un commerce, exercer une profession libérale, louer son unité moins d’un an? Dans un même temps, elle le protège des utilisations abusives pouvant être pratiquées par tout autre copropriétaire ou occupant de l'immeuble.
Ces limitations ont leur importance dans l’administration de l’immeuble et ont une incidence constante sur toutes les décisions du syndicat et dans les gestes ou activités des copropriétaires. Ainsi, les copropriétaires sont tenus de respecter la destination des parties privatives qu'ils détiennent telle qu'elle est définie par la déclaration de copropriété. Un copropriétaire n'est en effet pas libre de faire l'usage qu'il souhaite de sa partie privative. Il ne peut en changer l'affectation selon ses besoins. Si par exemple, une partie privative est destinée uniquement à un usage d'habitation, le propriétaire qui souhaite transformer son appartement (même partiellement) en lieu de travail devra au préalable obtenir l'accord de l'assemblée des copropriétaires pour que soit modifiée la déclaration de copropriété.
Définition de la destination de l’immeuble
Bien que ce soit l’acte constitutif de copropriété qui la définisse, les tribunaux appliquent la notion élargie de la destination de l’immeuble selon laquelle celle-ci ne dépend pas uniquement d’une clause insérée dans la déclaration de copropriété. C’est pourquoi, d’autres éléments extérieurs à la déclaration de copropriété doivent aussi être pris en compte, comme :
- Le caractère de l’immeuble : ses caractéristiques physiques, son mode d'occupation ou son aménagement ;
- La situation de l’immeuble : son environnement, les caractéristiques du quartier, etc ;
- La qualité de la construction et des matériaux : la qualité de d’isolation phonique, la qualité énergétique du bâtiment ainsi que l’aspect soigné de l’architecture et l’harmonie extérieure ;
- La distribution des appartements : le nombre de pièces qu’ils comprennent;
- Le standing, le luxe, et le confort de l’immeuble et des unités : la présence d’un portier, ou d’un ascenseur.
Sa mise en œuvre aux termes du Code civil du Québec
Le législateur a donné une très grande importance à cette notion de destination de l’immeuble. Plusieurs articles du Code civil du Québec (C.c.Q.) y réfèrent:
- L’article 1053 C.c.Q. énonce que l'acte constitutif de copropriété définit la destination de l'immeuble, des parties privatives et des parties communes.
- L’article 1056 C.c.Q. prescrit que la déclaration de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf celles justifiées par la destination de l’immeuble, ses caractères ou sa situation;
- L’article 1063 C.c.Q. indique que chaque copropriétaire use et jouit librement de sa partie privative et des parties communes, à la condition de respecter le règlement de l’immeuble et de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble;
- L’article 1098 C.c.Q. prévoit que l’assemblée des copropriétaires peut autoriser, à certaines conditions, un changement à la destination de l’immeuble ou l’aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au maintien de la destination de l’immeuble;
-
L’article 1102 C.c.Q. proclame le droit des copropriétaires de ne pas se faire imposer, tant par le conseil d’administration que par l’assemblée des copropriétaires, toute modification à la destination de leur partie privative.
Destination de l'immeuble : repères juridiques en copropriété
Les décisions de justice constituent des points de référence essentiels pour définir la destination d’un immeuble en copropriété. Ainsi, dans le litige opposant Boivin au Syndicat des copropriétaires Terrasse Le Jardin Durocher inc., la sécurité assurée par un système de caméras de surveillance a été reconnue comme un élément central de la destination de l’immeuble. Dans le litige Bergeron c. Martin, le Tribunal a conclu que l'exploitation d'une garderie dans une partie privative, ainsi que l'utilisation des parties communes aux fins de cette entreprise, constituaient une activité incompatible avec la destination résidentielle de l'immeuble. De même, dans Talbot c. Guay, la Cour d'appel a confirmé que l'installation d'un paravent compromettant la vue sur le fleuve Saint-Laurent portait atteinte à la destination de l'immeuble, justifiant l'application de la clause restrictive de la déclaration de copropriété. De plus, dans le jugement Syndicat de la copropriété Le Berri-Bonsecours c. Fredette, la vue sur la cour intérieure a été reconnue comme une caractéristique essentielle à la définition de la destination de l’immeuble. Par ailleurs, en appel de cette décision, la Cour d’appel a précisé que le juge de première instance avait conclu que le « gazebo » (pavillon) de l’appelant, en raison de ses dimensions imposantes, constituait un objet inesthétique au sens du règlement de l’immeuble. De plus, cette installation, dans les circonstances particulières de l’affaire, contrevenait également à la destination de l’immeuble. Enfin, dans la cause Gérard Bourguet Antiquaire inc. c. Syndicat de la copropriété Condominiums Les Passerelles, la Cour supérieure a déclaré que le droit exclusif à un espace de stationnement pour chaque copropriétaire, résidentiel ou commercial, relevait des caractéristiques propres à la destination de l’immeuble et ne pouvait être modifié sans l’unanimité des copropriétaires.
BON À SAVOIR ! La notion de destination de l'immeuble, des parties privatives et des parties communes est primordiale en matière de copropriété divise. Véritable valeur de référence entre le permis et l'interdit, elle délimite l'étendue des droits des copropriétaires et justifie ainsi les restrictions que peut imposer la déclaration de copropriété aux droits de ces derniers. Le droit d'un copropriétaire sur sa partie privative est ainsi un droit limité : il n'a pas la possibilité de modifier unilatéralement les conditions d'usage de sa partie privative telles que prévues par la déclaration de copropriété.
À RETENIR: La destination de l’immeuble ainsi que celle des parties privatives et communes est fixée notamment par l’acte constitutif de copropriété. Ainsi l’immeuble peut-être « à usage exclusif d'habitation » ou encore « à usage mixte de commerce et d'habitation ».
ATTENTION ! La destination de l'immeuble peut connaître une évolution dans le temps. Celle-ci peut être parfois modifiée informellement (par exemple: abandon du service de conciergerie ou négligence dans l’entretien de l’immeuble). Il est ainsi possible que certaines clauses relatives à cette destination, interdisant certaines pratiques par exemple, tombent en désuétude et ne puissent être opposées aux copropriétaires.
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