Date de publication: 16/07/2023

Serait-ce la fin des modifications tacites des déclarations de copropriété ?

17 juillet 2023 - La Cour d’appel du Québec a rendu récemment un important arrêt en matière de copropriété divise, dans l’affaire Syndicat des copropriétaires du 310, 320, 330 et 340 Boulevard Industriel c. 9322-0549 Québec inc., qui devrait en principe mettre un terme à une controverse qui perdurait depuis plusieurs années.         
On sait qu’une déclaration de copropriété est considérée comme un contrat, mais ce n’est pas un simple contrat; il s’agit en fait d’un « contrat social » pour les personnes qui y sont assujetties, en devenant copropriétaires.

Lors de l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, en 1994, le législateur a prévu que les déclarations de copropriété comportent trois parties distinctes : l’acte constitutif de copropriété, l’état descriptif des fractions et le règlement de l’immeuble. L’importance des deux premières sections avait amené le législateur à exiger que toute modification à celles-ci soit notariée et publiée au registre foncier, afin de permettre à tous, notamment aux futurs acheteurs, d’en être informés.
Toutefois, une modification au règlement de l’immeuble ne requérait pas un tel formalisme, le législateur estimant que cela deviendrait trop contraignant et coûteux. Ainsi, une fois une modification au règlement de l’immeuble dûment adoptée par l’assemblée des copropriétaires, il suffisait de la déposer au registre de copropriété. C’était toutefois sans compter sur le fait que des copropriétés fonctionnent parfois de façon informelle, voire déficiente. Et que le laxisme des administrateurs et des copropriétaires peut faire en sorte que des règles sont bafouées ou déformées, sans la moindre intervention, et sans laisser de traces évidentes. Cela a mené à différents litiges. Or, une décision de la Cour d’appel du Québec rendue en 2011, dans l’affaire Lavallée c. Simard , en se basant sur un principe général applicable aux contrats, avait statué que les copropriétaires par leur agissement – ou leur renonciation à agir – avaient alors tacitement modifié la déclaration de copropriété. Cette décision fut suivie dans divers dossiers, créant une controverse décriée par la doctrine, notamment en raison de l’incertitude que cela entraîne pour un futur acheteur cherchant à connaître l’état de la réglementation dans une copropriété, lorsqu’aucun écrit ne fait foi d’une modification des règles applicables.
Cet état de fait amena le législateur à préciser, dans le projet de loi 16, que toute modification au règlement de l’immeuble par l’assemblée des copropriétaires doit nécessairement faire l’objet d’une décision écrite expresse, qui doit ensuite être déposée au registre de copropriété. Le projet de loi a même pris la peine de préciser que cet amendement à l’article 1060 Code civil du Québec se veut « déclaratoire », afin de bien établir que telle aurait dû être la compréhension, dès 1994, et d’écarter le courant jurisprudentiel de l’arrêt Lavallée.
Or, en dépit de l’amendement à l’article 1060 C.c.Q. et son effet déclaratoire, en vigueur depuis janvier 2020, certaines décisions ultérieures ont continué à suivre le courant jurisprudentiel divergeant, en reconnaissant encore qu’une modification tacite à la déclaration de copropriété était intervenue.
La plus récente décision de la Cour d’appel remet les pendules à l’heure, pour reprendre l’expression consacrée, et devrait enfin – nous l’espérons - mettre un terme définitif à cette controverse.

Montréal, 17 juillet 2023

Par Me Richard LeCouffe

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