Fraude en copropriété
Une copropriété est exposée à divers types de risques dont les incendies, les dégâts d’eau, les vols et les actes de vandalisme; parmi ces risques, il en existe un qui est souvent méconnu soit la fraude. Les personnes pouvant commettre des actes frauduleux sont parfois des personnes insoupçonnées ou insoupçonnables; il en est ainsi de l’administrateur, du copropriétaire, du gestionnaire de la copropriété, des fournisseurs de services et des tiers. Face à ces risques, il est donc essentiel de mettre en place des mesures de contrôle et de vigilance financière pour détecter et prévenir toute tentative de fraude au sein de la copropriété.
Nature des fraudes
La gestion des copropriétés est un domaine propice à diverses formes de fraudes, souvent centrées sur des manipulations comptables ou financières. Ces pratiques malhonnêtes sont susceptibles de toucher tant les administrateurs que les gestionnaires, mais aussi, dans certains cas, les copropriétaires eux-mêmes. Examinons les principales formes de fraudes, les mécanismes des ristournes, ainsi que les signes avant-coureurs qui peuvent indiquer la présence de tels abus.
- Fraudes comptables et détournements de fonds
Les fraudes les plus fréquentes concernent la gestion comptable. Un administrateur ou un gestionnaire mal intentionné pourrait détourner les fonds du syndicat en falsifiant des signatures, en effectuant des transactions bancaires injustifiées ou en déposant les charges communes directement dans son propre compte bancaire. Il arrive aussi qu’un gestionnaire transfère l’argent d’une copropriété dans le compte d’un autre syndicat, créant ainsi des déséquilibres financiers.
- Ristournes et favoritisme dans l’attribution des contrats
Les fraudes dans la gestion des copropriétés peuvent prendre la forme de commissions versées par des fournisseurs à des gestionnaires ou administrateurs en échange de l'octroi de contrats. En l'absence de réglementation stricte, ces pratiques poussent parfois les gestionnaires à privilégier des entreprises offrant des services de moindre qualité, simplement pour bénéficier d'une commission. Cela est particulièrement fréquent lors de travaux majeurs, tels que la rénovation des façades ou le remplacement de la toiture, où un gestionnaire peut choisir un entrepreneur offrant la plus grande commission, au lieu de celui proposant le meilleur rapport qualité-prix. Ces comportements entraînent une augmentation des coûts pour les copropriétaires, ainsi qu'un résultat insatisfaisant. Dans les cas les plus graves, certains gestionnaires vont jusqu'à gonfler délibérément les prix des contrats pour maximiser leurs commissions, toujours aux dépens des copropriétaires.
- Implication des copropriétaires dans les fraudes
Les copropriétaires eux-mêmes peuvent participer à des pratiques frauduleuses, par exemple en exagérant l’ampleur d’un sinistre pour obtenir une indemnité d’assurance plus élevée et financer des travaux de rénovation personnels. Ce type de fraude affecte non seulement la copropriété, mais aussi l’ensemble des copropriétaires, car il entraîne des primes d’assurance plus élevées et un risque accru de conflits.
Signes avant-coureurs d’une fraude potentielle
Plusieurs indices peuvent indiquer qu’une fraude est en cours dans une copropriété. Voici les principaux signes à surveiller :
- Manque de transparence financière : L’administrateur ou le gestionnaire cache des informations sur les finances ou retarde la production des rapports financiers.
- Transactions bancaires douteuses : Présence de paiements inhabituels, transferts inexpliqués ou dépenses excessives.
- Usage excessif des fonds du syndicat : Retraits fréquents ou paiements de montants élevés à des fournisseurs non justifiés.
- Honoraires de fournisseurs inhabituels : Montants anormalement élevés versés à des entreprises rarement ou jamais utilisées par la copropriété.
- Heures supplémentaires anormalement élevées : Le gestionnaire facture de nombreuses heures supplémentaires sans justification claire.
- Absence de délégation : L’administrateur ou le gestionnaire refuse de déléguer certaines tâches financières, préférant tout contrôler personnellement.
- Train de vie somptueux : Un style de vie luxueux qui ne correspond pas aux revenus déclarés de l’individu concerné.
Limiter les risques de fraude en copropriété
La gestion des copropriétés est vulnérable à diverses formes de fraudes. Pour prévenir ces abus, il est essentiel de mettre en place des mécanismes de protection rigoureux et de veiller à ce que les gestionnaires respectent des normes professionnelles strictes.
- Vérification des antécédents et surveillance des comptes
Il est fortement recommandé de consulter les plumitifs civils et criminels d’un aspirant gestionnaire ou administrateur avant toute nomination. Cela permet d’éliminer les candidats ayant un passé judiciaire incompatible avec la gestion des finances d’un syndicat de copropriétaires.
De plus, les gestionnaires qui ont accès aux comptes bancaires d’un syndicat ou qui gèrent les fonds à partir de leur propre compte doivent impérativement être membres de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (Ordre des AdmA). L’appartenance à cet ordre assure que ces gestionnaires sont soumis à des règles déontologiques strictes, qu’ils détiennent une assurance responsabilité professionnelle et qu’ils utilisent un compte en fidéicommis pour gérer les fonds. Cet ordre professionnel joue un rôle clé dans la protection des copropriétaires. En plus des règles déontologiques imposées à ses membres, cet ordre dispose d’un fonds d’indemnisation qui permet de dédommager toute personne lésée par un administrateur malhonnête. Ce fonds intervient lorsque des fonds destinés à la copropriété sont détournés à des fins personnelles. L'adhésion à cet ordre limite ainsi considérablement les risques de fraude pour les syndicats de copropriété.
L’urgence d’un cadre réglementaire strict
Face à la diversité des fraudes potentielles, il est urgent de renforcer l’encadrement des pratiques dans la gestion des copropriétés. Un cadre réglementaire plus strict, combiné à la transparence des gestionnaires et à une vigilance accrue des copropriétaires, permettrait de mieux protéger les syndicats contre les abus. En formant les copropriétaires à identifier les signes avant-coureurs de fraude, on renforce la capacité de prévention et de détection de ces pratiques malveillantes.
Vers une réforme législative au Québec ?
Le législateur québécois n'a pas encore manifesté un intérêt clair pour encadrer cette profession pourtant essentielle. Il est urgent d'agir pour éviter que la copropriété québécoise ne devienne le théâtre de fraudes, où les copropriétaires pourraient non seulement perdre de l'argent, mais également des documents essentiels tels que des contrats et des historiques de gestion. Sans encadrement légal, la gestion des copropriétés au Québec demeure vulnérable aux abus.
Le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ) en faveur d’une professionnalisation
Le RGCQ milite depuis 25 ans pour l'instauration d'un encadrement législatif de la profession de gestionnaire de copropriété afin de protéger les copropriétaires et d'assurer la qualité des services offerts. Le RGCQ propose la création d'un registre officiel des gestionnaires et la mise en place de certifications professionnelles pour garantir que seuls des professionnels qualifiés puissent gérer les copropriétés.
BON À SAVOIR! Agir en amont est essentiel pour prévenir la fraude en copropriété; il existe des mécanismes de protection pour l’éviter. Par exemple, il est fortement recommandé de consulter les d’un aspirant gestionnaire ou administrateur; disponibles au greffe d’un palais de justice ou en ligne, ils révéleront son passé judiciaire ainsi que les raisons pour lesquelles il a dû faire face au tribunal.
À RETENIR: Afin d'éviter les conséquences possiblement dommageables découlant de fautes qu'ils auraient commises, les gestionnaires de copropriété devraient tous souscrire une assurance responsabilité professionnelle couvrant leur responsabilité civile.
ATTENTION! Le tribunal peut, à la demande de tout intéressé, interdire l’exercice de la fonction d’administrateur d’un syndicat de copropriétaires à toute personne trouvée coupable d’un acte criminel comportant fraude ou malhonnêteté dans une matière reliée aux personnes morales.
VÉRIFIEZ VOS CONNAISSANCES ! Cliquez ici pour vérifier votre compréhension de ce sujet.
Retour aux fiches pratiques