Date de publication: 24/01/2025

Regard sur la gestion de l’immeuble en copropriété

La valeur marchande d’une copropriété est intimement liée à la gestion de l’immeuble. En fait, une saine gestion de l’immeuble permet de maintenir, voire d’accroître, la valeur marchande de votre unité.
À l'heure actuelle, les médias n'ont pas encore relayé de grands scandales concernant des faillites techniques de syndicats de copropriété causées par des réparations imprévues ou par des sinistres survenus alors que la valeur d'assurance du bâtiment n’avait pas été correctement établie. Cependant, ce n'est qu'une question de temps avant que ce problème ne se généralise, car il s'agit de risques managériaux et patrimoniaux importants.

Préserver son patrimoine : un enjeu important
Plusieurs facteurs contribuent aux risques managériaux et patrimoniaux : le vieillissement du parc immobilier, les faibles contributions aux fonds de prévoyance, les conséquences d’un
ralentissement économique du marché immobilier ou de l'endetement croissant des ménages.
En d'autres termes, lorsque nous acquérons une copropriété, une grande partie du risque pour notre patrimoine repose sur la gestion responsable et efficace des copropriétaires. Un manque de fonds pour assurer l’entretien préventif du bâtiment en accélère la détérioration physique; les réparations urgentes et nécessaires entrainent donc des dépenses plus importantes.

Ges�on de copropriété et valeur marchande : un duo indissociable
Certains pourraient penser qu'il suffit de payer les réparations en temps et lieu. Cependant, cela n'est pas toujours réaliste, surtout si une grande partie des unités ont été acquises sans un apport initial significatif des copropriétaires. Dans ce cas, la copropriété dispose d'une marge de manœuvre limitée, ce qui réduit la possibilité de réhypothéquer ou d'obtenir un prêt personnel pour financer des réparations importantes lorsqu'elles deviennent nécessaires.
Une institution financière refusera d’accorder un prêt hypothécaire supérieur à la valeur de la propriété. Quant au prêt personnel, le prêteur prendra en compte l’endetement global, y compris le prêt hypothécaire. Pour ce qui est de la vente de l’unité, qui accepterait de payer le prix demandé? L'acheteur offrira la valeur marchande moins le coût des réparations nécessaires, ce qui ne génère pas d'argent frais pour le vendeur. Ainsi, les copropriétaires les plus fortunés devront financer les dépenses, sinon ce sera la faillite technique du syndicat. Et dans ce cas, qui voudra acheter?
La solvabilité et la gestion d'un syndicat de copropriété ont un impact direct sur la valeur marchande des unités. Selon une estimation basée sur mon expérience, plus de 50 % des
syndicats de copropriété pourraient être insolvables en raison de l'inadéquation entre le fonds de prévoyance, la situation financière des copropriétaires et l'état physique (désuétude) des immeubles ou le stade avancé de la durée de vie économique des composants de l’enveloppe du bâtiment, des équipements et de la structure du bâtiment, le cas échéant.

Transparence à tout prix
Vendre votre unité sans divulguer les problèmes relatifs à l’immeuble ou à la situation financière du syndicat de copropriété vous exposerait à un risque important. L'acheteur potentiel pourrait intenter une poursuite si des problèmes connus n’ont pas été notés dans les procès-verbaux ou s’ils n’ont pas été portés à sa connaissance.
Si l’acheteur se doit d’être vigilant, le vendeur, quant à lui, doit faire preuve de transparence afin de s’éviter une poursuite judiciaire.

Un regard vers l’avenir
Il est essentiel de se pencher sur la nouvelle législation concernant les copropriétés, à savoir la Loi 16. Adoptée en décembre 2019, cete loi vise à protéger les droits des copropriétaires et à promouvoir une gestion plus transparente et responsable des copropriétés. Elle impose notamment aux syndicats de copropriété d’obtenir une étude de fonds de prévoyance et une évaluation de la valeur aux fins d’assurance tous les cinq ans.
L’étude de fonds de prévoyance a pour objectif d’évaluer les besoins financiers futurs pour les réparations et rénovations majeures des parties communes afin de s'assurer que le syndicat dispose des fonds suffisants pour couvrir ces dépenses, et ce, sans créer de surcharge financière pour les copropriétaires. Cete étude doit être réalisée par un membre d’un ordre professionnel tel qu'un ingénieur, un architecte, un évaluateur agréé ou un technologue. Quant à l’évaluation de la valeur aux fins d’assurance, elle ne peut être effectuée que par un évaluateur agréé, membre de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec, puisque cet acte leur est réservé depuis l’entrée en vigueur de cete loi.
Par ailleurs, il est surprenant d'entendre des critiques de la part des syndicats de copropriété à l'encontre du gouvernement quant à la mise en place de cete nouvelle loi. En effet, les
membres des conseils d'administration des syndicats s'opposent aux coûts engendrés par ces études, affirmant qu'ils n'ont pas besoin de recourir à des experts puisqu'ils possèdent, selon eux, toutes les connaissances nécessaires pour administrer et gérer une copropriété divise. Ces biais cognitifs sont d’ailleurs largement détaillés dans la litérature scientifique au chapitre des risques managériaux, patrimoniaux et techniques.

En conclusion
Lorsque les médias diffuseront un nombre croissant de cas d’insolvabilité, les répercussions sur les syndicats irresponsables seront significatives. Vivre en copropriété signifie partager un patrimoine collectif, dont une partie est comprise dans votre patrimoine individuel.
En bref, deux principaux risques peuvent affecter la valeur de votre copropriété : les facteurs économiques et la mauvaise administration et gestion. Si le premier risque est hors de votre contrôle, le second peut être mitigé par une saine administration et une gestion proactive et responsable. Participer aux assemblées des copropriétaires et s'investir dans la gestion collective est essentiel pour protéger votre patrimoine et celui de la communauté.

« Une once de prévention vaut une livre de guérison. » Benjamin Franklin

Yvon Rudolphe, MBA fin., É.A., CMC, F.Adm.A.
Consultant et administrateur en patrimoine
Évaluateur agréé
Rudolf Groupe Conseil
Tél. : 514 362-8008
Courriel : [email protected]

Yvon RUDOLPHE
Chroniqueur
Yvon RUDOLPHE