Le domaine de la gestion de copropriété au Québec reste sans encadrement législatif approprié, une situation préoccupante qui pourrait entraîner des dérives similaires à celles observées récemment en Europe. Alors que d'autres provinces canadiennes ou pays européens encadrent strictement cette profession, le Québec ne dispose toujours pas de cadre législatif spécifique et contraignant pour les gestionnaires. Cette absence de réglementation claire permet à quiconque d'exercer ce rôle sans critères de compétences ou de certification, exposant ainsi les copropriétaires à des risques considérables.
Un cas alarmant en Europe : la fraude en Espagne
Un exemple marquant vient d'Espagne, où plusieurs centaines de copropriétaires ont été victimes d'une fraude de grande envergure. Le syndic de copropriété Barea et Zango, basé en Catalogne et gérant près de 400 copropriétés entre Barcelone et l'Hospitalet de Llobregat, a officiellement fait faillite. Les copropriétaires estiment toutefois que le directeur a disparu avec plusieurs millions d'euros. Les fonds destinés à l'entretien des parties communes, aux travaux de rénovation et au paiement des factures d'eau et d'électricité se sont volatilisés, laissant certaines copropriétés dans des situations critiques. Par exemple, une copropriété composée de 28 propriétaires a perdu 90 000 euros, initialement versés pour la rénovation de la façade de leur immeuble.
Des plaintes et des pertes financières pour les copropriétaires
Plusieurs copropriétés ont déposé plainte, tandis que d'autres ont renoncé pour éviter d'alourdir leurs pertes financières. Ce type de scandale pourrait très bien se produire au Québec si des mesures ne sont pas rapidement prises pour encadrer l'activité des gestionnaires de copropriété.
Une activité complexe sans encadrement au Québec
L'absence d'un cadre juridique au Québec est d'autant plus préoccupante que la gestion des copropriétés est une activité complexe. Elle nécessite des compétences variées, notamment en droit immobilier, en gestion financière et en maintenance d'immeubles. Sans réglementation, les copropriétaires n'ont aucun recours spécifique en cas de mauvaise gestion, ce qui pourrait entraîner des situations similaires à celles observées en Europe.
Fraude dans la gestion de copropriété : un exemple québécois marquant
En 2012, un gestionnaire de copropriété au Québec a été radié à vie par le Conseil de discipline de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ) après avoir détourné des sommes importantes appartenant à plusieurs syndicats de copropriété. Cet acte de fraude a provoqué une vive réaction au sein du milieu, soulignant l’urgence de renforcer la réglementation entourant cette profession.
Les ristournes : un aspect problématique sans encadrement
Un autre volet problématique, sans aucun encadrement au Québec, est celui des ristournes entre les gestionnaires de copropriété et les fournisseurs de services. En l’absence de réglementation, les gestionnaires peuvent potentiellement recevoir des compensations financières en échange de contrats passés avec des fournisseurs, au détriment des copropriétaires. Cette pratique non contrôlée peut non seulement affecter la qualité des services, mais aussi augmenter les coûts pour les syndicats de copropriété.
Par exemple, un gestionnaire peut décider de conclure un contrat d’entretien avec une entreprise offrant un service de moindre qualité, simplement parce qu'il reçoit une commission en retour, laissant ainsi les copropriétaires payer pour un service insatisfaisant. De plus, dans des situations où des travaux majeurs sont requis, comme le remplacement de la toiture ou la rénovation des façades, le gestionnaire peut choisir l'entrepreneur offrant la plus grande ristourne, plutôt que celui proposant le meilleur rapport qualité-prix, engendrant des coûts supplémentaires pour les copropriétaires et des résultats de moindre qualité.
Dans certains cas extrêmes, des gestionnaires ont été découverts ayant gonflé les prix des contrats pour bénéficier de commissions plus élevées, tout en imposant ces coûts supplémentaires aux copropriétaires. Ces pratiques ne font qu'augmenter la méfiance envers les gestionnaires de copropriété et mettent en lumière l'urgence de mettre en place un cadre réglementaire clair pour éviter de tels abus.
Vers une réforme législative au Québec ?
Le législateur québécois n'a pas encore manifesté un intérêt clair pour encadrer cette profession pourtant cruciale. Il est urgent d’agir pour éviter que le Québec ne devienne le théâtre de fraudes similaires à celles observées en Catalogne, où les copropriétaires ont perdu non seulement de l'argent, mais également des documents essentiels tels que des contrats et des historiques de gestion. Sans encadrement légal, la gestion des copropriétés au Québec demeure vulnérable aux abus.
Le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ) en faveur d’une professionnalisation
Le RGCQ milite depuis 25 ans pour l'instauration d'un encadrement législatif de la profession afin de protéger les copropriétaires et d'assurer la qualité des services offerts. Le RGCQ propose la création d'un registre officiel des gestionnaires et la mise en place de certifications professionnelles pour garantir que seuls des professionnels qualifiés puissent gérer les copropriétés.
L’importance d’agir rapidement
Les divers cas, au Québec et ailleurs, montrent la nécessité d’un cadre législatif plus strict pour la gestion des copropriétés. Les activités illégales de certains nuisent injustement aux gestionnaires intègres, dévoués à leurs clients et investis dans leur profession. Il est essentiel que leur réputation ne soit pas ternie par ces situations isolées.
Pour consulter la décision rendue par Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ), cliquez ici.
Pour consulter la sanction rendue par l'OAAQ, cliquez ici.
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Montréal, le 12 octobre 2024