La mairesse de Montréal, Valérie Plante, prenait l’engagement le 23 septembre 2019, devant les chefs d’État et de gouvernements réunis à New York, de réduire d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la collectivité montréalaise de 55 % par rapport à leur niveau de 1990. Pour devenir carboneutre d’ici 2050, la Ville de Montréal a ainsi adopté le Règlement sur la divulgation et la cotation des émissions de gaz à effet de serre des grands bâtiments (21-042). L’objectif recherché est de connaître l’utilisation des énergies fossiles au sein des bâtiments afin d’en réduire la consommation. Entré en vigueur le 4 octobre 2021, ce règlement oblige les propriétaires de grands bâtiments à divulguer les sources et les quantités d’énergie que leurs immeubles utilisent. Au plus tard le 30 juin de chaque année, une déclaration de divulgation doit être produite.
Application progressive du règlement :
Depuis le 1er janvier 2022, le règlement est applicable à tout bâtiment d’une superficie de plancher de 15 000 m² et plus qui ne comporte pas exclusivement des logements et à tout bâtiment de 2000 m2 et plus appartenant à la Ville.
Pour les autres types de bâtiment, sa mise en œuvre se fait en de deux temps.
Selon un fiche préparée par BOMA QUÉBEC (Regroupement de propriétaires et de gestionnaires d'immeubles commerciaux au Québec), la superficie de plancher du bâtiment correspond à la superficie de plancher brute en mètres carrés, mesurée à partir de la paroi externe des murs extérieurs du bâtiment. La superficie globale des stationnements intérieurs est exclue de ce calcul. Le plan cadastral ou le certificat de localisation global peuvent être utilisés pour les fins de ces calculs. À cet égard, la loi prévoit que le syndicat doit tenir à la disposition des copropriétaires une copie du plan cadastral. Ce plan est également accessible en ligne par l’entremise du site internet du Registre foncier du Québec.
Obligations de divulgation
Ce nouveau Règlement de divulgation obligatoire prévoit à l’article 4 que : « Le propriétaire d’un bâtiment assujetti au présent règlement doit, au plus tard le 30 juin de chaque année, divulguer à l’autorité compétente les renseignements prévus à l’annexe A du présent règlement relatifs aux émissions de GES de son bâtiment découlant de la consommation énergétique du bâtiment pendant la période du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente. ».
Tous les ans, les propriétaires devront ainsi remplir une déclaration en ligne, dans laquelle ils seront notamment tenus de divulguer des informations sur leurs biens immobiliers comme les formes et quantités d’énergie utilisées et la superficie du bâtiment. Cette démarche permettra à la Ville de Montréal, en premier lieu, d’évaluer la quantité de Gaz à effet de serre (GES) produite par ces grands bâtiments, puis éventuellement de leur accorder une « cote GES », uniquement de façon informative, laquelle devra être affichée aux entrées des bâtiments.
La copropriété divise : cette grande incomprise
L’article 2 du Règlement définit explicitement la notion de propriétaire comme suit : « toute personne physique ou morale, société et, dans le cas d’une copropriété divise, tout syndicat de copropriétaires qui détient en tout ou en partie, un droit de propriété dans un bâtiment ».
Bien qu’un syndicat de copropriétaires puisse posséder dans son patrimoine des biens immobiliers par exemple un appartement pour loger le concierge, partie privative, la plupart des syndicats de copropriétaires ne détiennent pas de « droit de propriété dans un bâtiment ». Rappelons que le propre de la copropriété divise est de diviser l’immeuble en divers lots qui seront la propriété exclusive des copropriétaires (parties privatives), et pour d'autres qui seront la propriété de l'ensemble des copropriétaires (parties communes).
Qui plus est, un syndicat de copropriétaires ne possède pas de pouvoirs coercitifs pour obtenir des copropriétaires la consommation énergétique de chacune des parties privatives. Et même si un syndicat de copropriétaires détenait une telle information, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (LPRPSP) lui interdit de communiquer des renseignements personnels de copropriétaires sans leur consentement. Rappelons qu’en France, les informations de consommation appartiennent aux consommateurs dont l’accord exprès est nécessaire pour qu’elles soient transmises par le gestionnaire de réseau (GRD) aux fournisseurs. La Ville de Montréal a d'ailleurs reconnu dans son Guide d'application du Règlement que la transmission des données de consommation énergétique comporte des enjeux de confidentialité. Il est précisé notamment ce qui suit: « Des ententes entre propriétaires et locataires, ou entre copropriétaires peuvent être signées pour que la consommation agrégée du bâtiment soit transmise directement et facilement au propriétaire (ou au syndicat de copropriété) par le fournisseur d'énergie. La Ville de Montréal est en discussion en ce moment avec les fournisseurs d'énergie afin de développer une solution simple et sans enjeu de confidentialité des données dans le cas où ce genre d'entente demanderait un suivi trop exigeant de la part des propriétaires.». Dès lors, il appartient à Hydro-Québec ou à tout autre fournisseur d'énergie d’établir un mode visant à anonymiser les données relatives à la consommation énergétique de chaque partie privative d’un immeuble.
La rédaction maladroite de ce règlement risque de générer des contentieux, quant à sa mise en œuvre, entre certains syndicats de copropriétaires et la Ville de Montréal. Il est regrettable que la Ville de Montréal n’ait pas consulté en amont des juristes spécialisés en la matière et le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec avant de voter un tel règlement.
Montréal 27 janvier 2023