28 avril 2023 - Le cas de la copropriété Pimbina est une réelle catastrophe pour ses nombreux copropriétaires. Les nombreux problèmes de qualité des constructions résidentielles au Québec sont bien réels. Plusieurs acteurs de l’industrie voient depuis longtemps la fumée à l’horizon et s’époumonent à crier au feu, mais nos institutions semblent souffrir de cécité et de surdité. Au quotidien, nous aidons des copropriétés qui subissent les coûteuses conséquences de problèmes de qualité datant de la conception ou de la construction. À écouter les témoignages des représentants du syndicat de la copropriété Pimbina dans les médias, il semble bien probable que les problèmes touchant leur copropriété fassent partie de cette catégorie.
Une réflexion visant à ramener à l’ordre du jour la qualité des constructions s’impose. Afin d’alimenter le débat, nous proposons quelques pistes de solution qui pourraient avoir de réels impacts sur nos bâtiments pendant tout leur cycle de vie.
Certains concepts architecturaux sont éprouvés : leur utilisation depuis plusieurs décennies fait en sorte que nous connaissons les avantages et inconvénients à long terme, et la mise en place par les entrepreneurs est maîtrisée. Par exemple :
Bien que nous ne soyons jamais à l'abri de lots de matériaux ayant eux-mêmes un problème de qualité, l’utilisation de concepts éprouvés aura pour effet de minimiser les risques par rapport à d’autres concepts qui en présentent davantage. Par exemple, un bâtiment de 3 étages rectangulaire avec 4 façades de briques est moins sujet à des infiltrations d’eau par les parements muraux qu’un bâtiment de forme excentrique comprenant trois types de parements différents. En général, plus il y a de types de parements, plus il y a de joints et d'interconnexions, plus on a d’endroits propices aux infiltrations d’eau. La mise en place de tels concepts doit donc être sans faille.
Nous croyons qu’il serait important, dès la conception, de prioriser des concepts architecturaux qui ont démontré une stabilité dans leur mise en œuvre, qui sont durables et simples d’entretien. Ces caractéristiques doivent être favorisées avant des considérations créatives ou des économies de coûts de construction. Il est impératif de penser à long terme.
C’est bien connu, le Québec souffre d’une lacune injustifiable dans le secteur de la construction par rapport aux autres provinces canadiennes : elle est la seule province où la surveillance des travaux de construction n’est pas obligatoire. Pourtant, tous réclament ce changement et l’appui des électeurs atteint des niveaux jamais vus.
La théorie selon laquelle la surveillance obligatoire ferait augmenter les coûts de construction et, par conséquent, le prix des propriétés est ridicule quand on considère le patrimoine bâti de façon holistique : les coûts de quelques journées de surveillance à des moments charnières de la construction sont négligeables par rapport aux coûts de construction totaux et le sont encore plus par rapport au coût des erreurs à long terme. La question de la disponibilité de la main-d'œuvre est souvent invoquée par les opposants de la surveillance obligatoire. Or, le Québec dispose de milliers d’inspecteurs en bâtiment déjà formés pour l’inspection préachat. Il serait envisageable de mettre en place un programme de formation reconnu pour les former à réaliser des inspections en chantier.
Il serait définitivement souhaitable que les copropriétés en construction soient inspectées à ces moments charnières :
La nécessité de la surveillance obligatoire fait l’unanimité et s’est avérée une mesure efficace partout au Canada. Il est grand temps que la Régie du bâtiment du Québec prenne des actions concrètes dans cette direction.
La garantie de construction résidentielle obligatoire (GCR), administrée par un OBNL neutre et indépendant qui a pour mission de protéger les acheteurs d'habitations neuves et d’améliorer la qualité de la construction résidentielle au Québec, ne couvre que certaines copropriétés. Celles où plus de 4 unités sont superposées, c’est-à-dire les “tours” de plus de 4 étages, n’en bénéficient pas. Or, nous croyons que la mission de protection et la neutralité de la garantie obligatoire sont des caractéristiques essentielles.
En effet, les administrateurs de copropriétés n’ont généralement pas les ressources ou les connaissances pour faire face au promoteur immobilier lorsqu’une problématique sous garantie est constatée. C’est là que les mécanismes mis en place par la GCR prennent tout leur sens. Lors de la livraison de l’immeuble, l’inspection pré-réception des parties communes, faite par un professionnel du bâtiment sélectionné par le syndicat de copropriété, permet d’exiger le parachèvement de travaux et la correction de déficiences. Ensuite, pendant la durée des différentes garanties, le syndicat peut dénoncer une situation à la GCR. Dans ce cas, un représentant de la GCR constate la situation sur les lieux, rencontre les parties, évalue la situation puis rend sa décision. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord avec la décision, des mécanismes de médiation et d'arbitrage sont prévus.
Pour les immeubles qui ne sont pas couverts par la garantie obligatoire, le promoteur immobilier est libre de magasiner un plan de garantie privé. Sans dire que ces plans sont inefficaces, reste qu’ils sont administrés par des sociétés privées et vendus à des promoteurs qui partagent un intérêt de rentabilité. La mission de protection des acheteurs n’étant pas centrale, les mécanismes mis en place pour traiter les réclamations seront possiblement moins favorables aux copropriétaires. Au même titre que la Loi sur la protection du consommateur protège TOUS les consommateurs, le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs devrait couvrir TOUS les bâtiments résidentiels neufs.
La Loi 16 a été adoptée en décembre 2019. Malheureusement, les dispositions les plus structurantes sont aussi celles qui ne sont toujours pas en vigueur. En effet, certaines dispositions de la Loi 16 n’entreront en vigueur qu’après l’adoption d’un règlement qui se fait attendre depuis plus de 3 ans.
L’inertie entourant l’adoption de ce règlement fait en sorte que les copropriétés ne sont toujours pas obligées d’obtenir une étude de fonds de prévoyance ni de mettre en place un carnet d’entretien. Bien que plusieurs copropriétés n’aient pas attendu le règlement pour adopter ces outils, une majorité demeure dans l’attente. Par surcroît, la Loi 16 prévoit que les copropriétés existantes auront 3 ans après l’adoption du règlement pour se conformer. Ce sont aussi des centaines de copropriétés neuves qui auraient pu obtenir ces documents aux frais de leur promoteur immobilier si le règlement avait été adopté plus tôt, mais qui devront plutôt payer pour les obtenir.
Tous les jours, nous rencontrons des copropriétés qui ont des travaux à faire, mais qui n’ont pas l’argent pour aller de l’avant puisqu’ils n’ont pas suffisamment contribué à leur fonds de prévoyance. Tous les jours, nous visitons des copropriétés qui auraient pu éviter ou minimiser certaines problématiques si elles avaient été guidées par un carnet d’entretien. Pendant ce temps, les dommages s’aggravent et les factures s’allongent.
Nous pouvons mieux concevoir nos immeubles et nous pouvons mieux les construire, mais nous devons aussi mieux les entretenir. Il est impératif que le gouvernement adopte son règlement le plus rapidement possible afin d’améliorer le maintien et l’entretien des copropriétés du Québec.
Pour avoir un réel impact sur la qualité et l’état des copropriétés, et peut-être éviter des drames comme celui de la copropriété Pimbina, il est impératif d’agir sur l’ensemble du cycle de vie d’une copropriété :
De telles mesures ne sont pas une garantie que des cas comme celui du Pimbina ne se produiront plus, mais compte tenu des répercussions potentielles que peut avoir un bâtiment problématique sur la vie de ses propriétaires, nous ne pouvons que souhaiter que des actions soient posées pour mieux protéger l’investissement des acheteurs.
Sean Beauchemin, ing. M.Sc
Directeur - Science du bâtiment, associé
Depatie Beauchemin Consultants inc.
1 888 257 5322
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