Fiduciaire et perte importante

Toute copropriété peut un jour ou l'autre être confrontée à un sinistre majeur. Par exemple, un incendie peut ravager plusieurs unités, ou un dégât d'eau peut affecter plusieurs étages par suite d’une rupture de canalisation. Ces situations entraînent des coûts de réparation très élevés et sont qualifiées de « pertes importantes ». La gestion de l'indemnité d'assurance par les membres du conseil d'administration peut s'avérer extrêmement complexe. Une gestion inadéquate des indemnités d'assurance expose les administrateurs à des risques importants, incluant des conséquences juridiques et financières.

Rôle du fiduciaire d'assurance

Si votre copropriété subit une « perte importante », vous devrez obligatoirement recourir aux services d'un fiduciaire d’assurance, conformément à l’article 1075 du Code civil du Québec. Cet article stipule que « l’indemnité due au syndicat à la suite d’une perte importante est, malgré l’article 2494, versée au fiduciaire nommé dans l’acte constitutif de la déclaration de copropriété ou, à défaut, désigné par le syndicat ». Le fiduciaire d’assurance est une personne clé. Son rôle consiste à gérer les indemnités versées par l’assureur. Il veille à ce que l’argent disponible soit bel et bien utilisé pour procéder à « la réparation ou à la reconstruction de l’immeuble ». Somme toute, les intérêts des copropriétaires et de leurs créanciers hypothécaires sont protégés. En effet ceux-ci ont tout avantage à ce que l'immeuble soit remis en état, voire reconstruit.

Qu’est-ce qu’une « perte importante »

Il s'agit d'une perte résultant en une indemnisation élevée suite à un sinistre affectant une large portion de l'immeuble. La plupart des déclarations de copropriété publiées après le 1er janvier 1994, date d’entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec, précisent (généralement) qu’entre 10 % et 25 % de dommages causés à un immeuble constituent une « perte importante ».

La désignation d’un fiduciaire.

À moins que la déclaration de copropriété (acte constitutif de copropriété) ne prévoit déjà la nomination d'un fiduciaire, il revient habituellement au conseil d’administration d’en désigner un, qui n'a pas à convoquer une assemblée de copropriétaires pour prendre cette décision.

Bien choisir son fiduciaire

Avant de choisir le fiduciaire qui devrait normalement veiller à vos intérêts, assurez-vous qu’il soit qualifié, détenteur d’une assurance responsabilité professionnelle et qu’il s’entoure de professionnels du bâtiment (ex. : ingénieurs et architectes). Si la personne mandatée est membre d’un ordre professionnel, vérifiez quand même si sa couverture d’assurance s’applique aux actes propres à un fiduciaire d’assurance.

Ce fiduciaire doit connaître le fonctionnement d’une copropriété, plus particulièrement son cadre législatif. La Loi impose qu’il soit une « personne pleinement capable de l’exercice de ses droits civils », ou une « personne morale autorisée par la Loi ».

Par ailleurs, il lui faut faire preuve d’une grande probité dans l’exercice de ses fonctions, par exemple ne pas être en conflit d’intérêts avec certains copropriétaires vivant dans l’immeuble, l’assureur ou les professionnels en bâtiment qui participeront à le réparer ou à le reconstruire. Un avocat ou un notaire dont l’expertise en copropriété est reconnue répond à ces critères.

On ne « s’improvise » pas fiduciaire

Malheureusement, certaines personnes s’improvisent fiduciaires d’assurance. Dans les faits, elles n’ont pas les compétences requises pour pouvoir prétendre assumer ce titre. Pire encore, bien souvent, ces personnes ne sont pas membres d’un ordre professionnel et pourraient ne pas être couvertes par une assurance responsabilité professionnelle. En pareille situation, si le fiduciaire détourne des fonds ou fait un mauvais usage des indemnités dont il a la charge, votre syndicat risquerait d'éprouver de sérieuses difficultés à se faire rembourser ou indemniser. De plus, rappelez-vous qu’une fois qu’il a versé l’indemnité au fiduciaire désigné par le syndicat, l’assureur se décharge de toute responsabilité quant à la suite des choses.

Une lourde responsabilité

La crédibilité du fiduciaire est tributaire d’une foule d’aspects, dont celle concernant les travaux eux-mêmes pour restituer l’immeuble dans son état d’origine. À ce chapitre, il lui faut vérifier que l’entrepreneur détienne une licence délivrée par la Régie du bâtiment du Québec, paie ses cotisations à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), ainsi qu’à la Commission de la construction du Québec (CCQ).  

Il doit également retenir les services d’un entrepreneur compétent, autrement il se pourrait qu’une fois rénové ou reconstruit, l’immeuble soit affecté par des vices de conception ou de construction. Autre volet important dont un fiduciaire a la responsabilité : s’assurer que l’entrepreneur paie les sommes qui sont dues aux sous-traitants. Dans le cas contraire, les risques d’inscription d’une hypothèque légale de la construction sur l’immeuble sont très élevés. La loi autorise toute personne ayant « participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble » à publier une telle hypothèque.

Mettre fin à la copropriété

Dans un autre ordre d’idée, si les copropriétaires désirent mettre fin à la copropriété suite à un sinistre, en raison d’une perte importante ou encore totale de l’immeuble, le fiduciaire doit d’abord redistribuer l’argent aux créanciers prioritaires et hypothécaires. Pour ce faire, il doit suivre les règles de l’article 2497 du Code civil du Québec. Les sommes restantes sont transférées au liquidateur du syndicat, qui les remet aux copropriétaires en s’appuyant, dans ses calculs de remboursement, sur la valeur relative de leur fraction.

BON À SAVOIR ! Le fiduciaire d’assurance doit avoir une bonne connaissance du droit de la copropriété. Il lui faut aussi être indépendant des parties impliquées. À cet égard, un avocat ou un notaire dont l’expertise en copropriété est reconnue représente un bon choix.

 À RETENIR : La mission du fiduciaire est très complexe. Elle nécessite une bonne connaissance du droit de la copropriété et doit être exécutée avec sérieux et professionnalisme. À défaut d’observer les énoncés précités, plusieurs copropriétaires pourraient en payer le prix fort.

ATTENTION! Certains organismes proposent les services d’un fiduciaire gratuitement. En réalité, il n’est gratuit qu’au moment de sa nomination. Une rémunération peut être exigée dès que ce dernier intervient après un sinistre. Donc, gare aux publicités trompeuses!

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