Qu’elle soit jumelée ou en rangée, la maison de ville constitue un bon compromis entre l’appartement en copropriété typique et la maison unifamiliale. Ce type de projets s’établit en « copropriété horizontale ». Chacune des fractions est composée d'une partie privative (généralement une maison) et d'une quote-part de parties communes (le terrain). Chaque copropriétaire est ainsi propriétaire de sa partie privative « du nadir au zénith », alors que les parties communes se limitent habituellement aux voies de circulation, aux stationnements et à certaines bandes de terrains.
CADRE JURIDIQUE DES ASSURANCES
Du point de vue juridique, la copropriété horizontale ne possède pas de statut particulier. Les copropriétés horizontales sont régies par les mêmes règles prévues dans le Code civil du Québec qui s’appliquent en verticalité (ex. : tour d’habitation). À l’instar des copropriétés verticales, les syndicats de copropriété horizontale doivent souscrire les couvertures d’assurances imposées par la loi. Or, il n’est pas rare que dans une copropriété horizontale, le syndicat n’assure que les parties communes. Plusieurs copropriétaires croient, à tort, qu’ils n’ont qu’à assurer leur maison et que, de toute évidence, l’assurance du syndicat n’est pas requise pour leur partie privative. Bien qu’il soit tentant pour certains de procéder ainsi pour plusieurs raisons, il faut savoir que, dans la plupart des cas, il n’est pas possible d’agir de la sorte.
NATURE DES PARTIES PRIVATIVES
Le premier alinéa de l’article 1073 Code civil du Québec stipule que « le syndicat a un intérêt assurable dans tout l’immeuble, y compris les parties privatives. Il doit souscrire des assurances prévoyant une franchise raisonnable, contre les risques usuels couvrant la totalité de l’immeuble, à l’exclusion des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie lors qu’elles peuvent être identifiées par rapport à la description de cette partie […] ». En 1994, lors de l’introduction du nouvel article 1073, les commentaires du ministre de la Justice indiquaient ceci : « Cet article reprend l’article 442a C.C.B.C. tout en le complétant. À la différence du droit antérieur qui laissait au déclarant ou aux administrateurs la discrétion de contracter des assurances, cet article en fait une obligation. Il vise ainsi à éviter les problèmes juridiques et pratiques liés aux assurances insuffisantes, à la responsabilité des réparations en cas de sinistre, aux conflits entre experts relativement à l’évaluation du préjudice, etc. […] ». La loi voulant que l’assurance du syndicat doive couvrir les parties privatives, à l’exclusion des améliorations qui y ont été apportées, est donc très claire. Même si tous les copropriétaires y consentent, il n’est pas possible de déroger à cette obligation qui est d’ordre public de direction. De plus, il n’est généralement pas possible de qualifier les maisons de ville d’amélioration. En effet, dans la plupart des cas, ce ne sont pas les copropriétaires qui ont ou fait procéder à la construction de leur maison. D’ailleurs, lors de l’achat d’une maison neuve, le contrat préliminaire prévoit habituellement que le bien vendu par le promoteur consiste en un terrain et la maison. Les améliorations concernent plutôt le choix d’un comptoir de granite, au lieu de celui en stratifié.
RISQUES ASSOCIÉS À DES ASSURANCES INDIVIDUELLES
La première faille à l’assurance individuelle des maisons de ville par chaque copropriétaire consiste en l’impossibilité d’être sûr que les maisons seront toujours reconstruites, en cas de destruction partielle ou totale. Dans le cas d’une copropriété horizontale, les parties privatives partagent souvent au moins un mur mitoyen, de sorte que la destruction d’une unité a des conséquences directes sur d’autres parties privatives voisines, qui se trouveront exposées aux intempéries. Sans compter le fait que l’ensemble du projet risque d’être affecté quant à la valeur de revente des unités, si une ou plusieurs maisons sinistrées ne sont pas reconstruites.
Même si la déclaration de copropriété imposait aux copropriétaires de souscrire une assurance comportant un avenant indiquant que l’indemnité d’assurance a pour seul objet la reconstruction de l’immeuble, il n’est pas garanti que tous les assureurs acceptent d’introduire ce type de clause dans leur police. Cela aurait donc pour conséquence de réduire l’offre d’assurance pour les copropriétaires.
De plus, cela obligerait le conseil d’administration à vérifier constamment que les polices d’assurance des copropriétaires comportent cet avenant. Soulignons que le fait d’obtenir une confirmation d’assurance, à une date donnée, n’est pas une garantie qu’elle existera au lendemain de cette confirmation. Le syndicat ne détient aucun moyen de savoir si le contrat a été résilié par les parties, s’il a cessé d’être en vigueur ou encore si l’assuré a posé certains gestes qui compromettent son droit à l’indemnisation en cas de sinistre, à moins d’être bénéficiaire lui-même de la couverture d’assurance du copropriétaire.
Autre problématique liée à l’assurance individuelle des maisons : cela expose les copropriétaires à une insuffisance d’assurance quant à leur responsabilité civile, s’ils sont à l’origine d’un incendie détruisant plusieurs maisons. En effet, en raison de leur proximité, il est probable que plusieurs maisons et leur contenu soient affectés par le feu, causant plusieurs millions de dollars de dommages, somme nettement supérieure aux couvertures de base en responsabilité civile. L’assurance des parties privatives par le syndicat a l’avantage d’empêcher le recours subrogatoire de l'assureur contre un copropriétaire, une personne faisant partie de la maison d’un copropriétaire et une personne à l’égard de laquelle le syndicat doit souscrire une assurance couvrant la responsabilité.
Finalement, une autre lacune majeure de l’assurance individuelle est reliée au droit du créancier hypothécaire du copropriétaire d’être remboursé de sa créance à même l’indemnité, en cas de sinistre. Lorsque ce droit est exercé, il n’y a pas reconstruction ou réhabilitation du bâtiment à même l’indemnité, celle-ci servant à payer les sommes dues par le copropriétaire à son prêteur. C’est l’article 2497 du Code civil du Québec qui reconnaît ce droit : « Les indemnités dues à l’assuré sont attribuées aux créanciers prioritaires ou aux créanciers titulaires d’une hypothèque sur le bien endommagé, suivant leur rang et sans délégation expresse, moyennant une simple dénonciation et justification de leur part, malgré toute disposition contraire. […] » Le seul moyen de faire échec au droit du créancier hypothécaire de revendiquer l’indemnité est que celle-ci soit due au syndicat. L’article 1075 du Code civil du Québec prévoit que l’indemnité d’assurance, advenant une perte importante, est versée au fiduciaire nommé par le syndicat et que celle-ci doit être utilisée pour la réparation ou la reconstruction de l’immeuble, sauf si le syndicat décide de mettre fin à la copropriété.
Les copropriétaires dont la maison de ville est assurée individuellement ne sont pas à l’abri de tous soucis, sous prétexte que leur police couvre leur bien comme une maison unifamiliale. En cas de sinistre, l’assureur pourrait reprocher à ce copropriétaire d’avoir fait une fausse déclaration, en omettant de mentionner qu’il s’agissait en fait d’une fraction de copropriété. Rappelons qu’en assurance, une fausse déclaration est une déclaration inexacte faite par l’assuré, de bonne ou de mauvaise foi, sur la nature ou l’importance du risque à assurer. Cela fausse l’évaluation de l’assureur sur le risque qu’on lui demande d’assurer. Ainsi, en fournissant toutes les informations, l’assureur aurait peut-être réclamé une prime plus importante, ou il aurait accepté de souscrire le risque, moyennant certaines restrictions, ou encore il aurait carrément refusé de souscrire le risque. Si une divulgation complète n'est pas faite par le copropriétaire, l’assureur pourrait invoquer (à tort ou à raison) qu’il a été induit en erreur et, par voie de conséquence, refuser d’indemniser.
BON À SAVOIR ! Le fait d’assurer individuellement les maisons de ville peut causer un problème d’arrimage en matière d’indemnisation lors d’un sinistre majeur. Il peut être difficile de convenir d’une reconstruction ordonnée des maisons sinistrées lorsque plusieurs assureurs sont impliqués.
À RETENIR : Les administrateurs ne peuvent ignorer ou faire fi des obligations de la loi en matière d’assurance, même si les copropriétaires prennent unanimement la décision de ne faire assurer que les parties communes par le syndicat, chaque copropriétaire assurant pour sa part sa partie privative.
ATTENTION ! Les administrateurs qui ne suivraient pas les règles imposées par la loi pourraient engager tant la responsabilité du syndicat que la leur à titre personnel.
CONSULTEZ LE TEXTE DE Me Julie Banville du cabinet Therrien Couture Joli-Coeur et Me Yves Joli-Coeur du cabinet Dunton Rainville : L'assurance en copropriété divise horizontale, un parcours semé d’embûches (Développements récents en droit de la copropriété divise 2021)
CONSULTEZ L'OUVRAGE : L'assurance condo, Tout ce qu'il faut savoir