Après avoir été victimes d’un sinistre, les membres du conseil d’administration et les copropriétaires impactés sont bien souvent pris de court. Comment se déroulera la suite des choses, se demandent-ils. Rien ne sert d’angoisser ou de paniquer, car en principe, une fois la déclaration de sinistre complétée, divers intervenants entrent en scène : l’assureur du syndicat, mais aussi celui des copropriétaires et des locataires, qui désigneront respectivement leur propre expert en sinistre. Il est normal que les copropriétaires concernés par un sinistre, tout autant que le syndicat, s’imaginent que procéder à une réclamation est toujours la bonne chose à faire.
Cela est vrai dans plusieurs cas, mais parfois, le syndicat aurait peut-être intérêt à s’abstenir de le faire.
Déclarer le sinistre : une obligation
Si certains administrateurs ou gestionnaires s’interrogent encore sur l’obligation, ou non, de déclarer un sinistre affectant les parties communes et privatives, sachez que l’article 2470 du Code civil du Québec donne une réponse claire à ce sujet: « L’assuré doit déclarer à l’assureur tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie, dès qu’il en a eu connaissance.» En d’autres termes, un sinistre – même s’il est négligeable – doit être déclaré à l’assureur du syndicat, à la condition que les dommages soient couverts.
Déclarer le sinistre : conséquences
Pour plusieurs assurés, la déclaration d’un sinistre entraînera, inévitablement, une majoration des primes et des franchises d’assurance. Actuellement, nul ne peut affirmer, avec certitude, que déclarer un sinistre à son assureur — sans pour autant procéder à une réclamation — fera en sorte que la prime et la franchise soient augmentées. Le conseil d’administration doit donc consulter son courtier ou son agent en assurance de dommages. Il pourra ainsi s’enquérir des politiques de l’assureur en pareille circonstance. Le mieux est d’agir au moment du renouvellement du contrat d’assurance, ou lors d’une souscription auprès d’un nouvel assureur.
Ne pas déclarer le sinistre : conséquences
Il est risqué de ne pas déclarer un sinistre, car l’assureur pourrait considérer - s’il devait le découvrir ultérieurement - que l’assuré est de mauvaise foi. Il serait donc justifié de résilier ou de ne pas renouveler le contrat d’assurance. L’assureur pourrait également invoquer, contre l’assuré, toute clause de la police qui prévoit la déchéance du droit à l’indemnisation, en autant qu’il puisse faire la preuve qu’il a subi un préjudice.
Réclamer ou pas: un nouveau choix
Est-ce toujours pertinent de soumettre une réclamation à l’assureur pour les dommages subis à l’immeuble, advenant que le coût pour les réparer soit légèrement supérieur au montant de la franchise? Poser la question, c’est y répondre. À ce chapitre, le législateur a introduit une disposition innovante, en vertu d'une modification apportée au Code civil du Québec, qui découle du projet de loi 141 (sanctionné le 13 juin 2018). Le premier aliéna de l’article 1074.1 du Code civil du Québec, qui est entré en vigueur le 13 décembre 2018, prévoit désormais la possibilité, pour le syndicat, de ne pas réclamer à son assureur un dommage affectant l’immeuble. Ce libre choix pourrait permettre d’éviter une augmentation des primes et des franchises d’assurance.
Réclamer : l’indemnité d’assurance et son objet
En principe, un assuré peut faire ce qu’il veut avec l’indemnité versée par son assureur, mais la copropriété fait exception à cette règle au regard de l’assurance bien du syndicat. Pourquoi? Parce que la Loi lui impose de souscrire une assurance couvrant la « valeur de reconstruction » de l’immeuble. Autrement dit, l’indemnité versée ne peut servir qu’à réparer les lieux sinistrés, afin que ceux-ci soient remis en état. Afin d’éviter toute ambiguïté à ce sujet, le législateur a imposé au syndicat d’utiliser les indemnités versées pour réparer l’intégralité des dommages.
Vaut-t-il mieux ne pas réclamer ?
Il arrive qu’une réclamation fasse plus de mal que de bien, étant donné les conséquences qu’elle pourrait avoir à long terme. Et pour cause, puisque la prime et la franchise d’assurance du syndicat pourraient augmenter, et ne pas décroître avant longtemps. Le syndicat pourrait ne pas réclamer à son assureur les dommages causés par un sinistre, advenant que le montant à payer pour les réparer soit supérieur à la franchise (déductible). Cela peut se produire, par exemple, si la franchise s’élève à 10 000 dollars et que le coût des travaux avoisine les 15 000 dollars. Mais avant que cette option puisse être retenue, le conseil d’administration devra :
Ne pas réclamer : le prix à payer
Si le syndicat décide de ne pas réclamer d’indemnités, il devient son propre assureur, en quelque sorte. Pour cette raison, il doit engager (avec diligence) lui-même des travaux, afin que les parties communes et privatives sinistrées soient réparées. La préparation d’un devis sera nécessaire pour déterminer l’ampleur des travaux de reconstruction à faire, et pour établir leurs coûts. Selon l’importance des dommages qui sont en cause, les services d’un professionnel du bâtiment pourraient également être requis, ce qui permettrait de mesurer les impacts possibles du sinistre sur l’intégrité de l’immeuble. En toute fin, le syndicat devra assumer la facture totale des travaux (article 1074.1 du Code civil du Québec), à l’exception des coûts associés à la plus-value découlant des améliorations apportées aux parties privatives.
Ne pas réclamer en raison de la franchise: les conséquences
Si le syndicat ne réclame pas d’indemnités pour les dommages causés par un sinistre, en raison d’une franchise plus élevée que le coût des travaux de réparation à faire, la loi ne l’oblige pas, formellement, à engager avec diligence les travaux de réhabilitation des parties privatives endommagées. Cela signifie-t-il, pour autant, qu’il soit exonéré de cette obligation? Nous croyons que non, car l’article 1071.1 du Code civil du Québec impose au syndicat de constituer un fonds d'auto assurance destiné, entre autres, au paiement des franchises des assurances souscrites par le syndicat. C'est pourquoi, un syndicat de copropriétaires peut difficilement prétendre qu’il n’est pas tenu, financièrement parlant, d’assumer le coût des travaux de réhabilitation (non assumé par l’assureur) des parties communes et privatives.
BON À SAVOIR ! En cas de sinistre dans une copropriété, le fonds d’autoassurance servira à payer la franchise du syndicat, ainsi qu’à réparer le préjudice causé aux biens pour lesquels il a un intérêt assurable. Il en sera ainsi, advenant que le fonds de prévoyance ou une indemnité d’assurance ne pourront y pourvoir, par exemple dans le cas d’un plafond d’assurance, d’une sous-assurance ou d’une exclusion.
À RETENIR : Lors du renouvellement du contrat d’assurance, les assureurs évaluent la fréquence des sinistres et des réclamations propres à une copropriété, afin d’établir le montant de la prime et de la franchise à payer.
ATTENTION ! Comment savoir, en tant qu’administrateur, si vous devez réclamer (ou non) à l’assurance du syndicat? Pour en avoir une idée juste, il faut faire estimer le coût des travaux de réparation à faire. Ce n’est qu’après que vous pourrez décider si l’enjeu économique en vaut la peine.
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