Date de publication: 01/10/2024

Peut-on refuser l’entrepreneur proposé par l’assureur du syndicat?

Récemment, j’ai été interpellé par une situation qui soulève des questions importantes en matière d'assurance en copropriété divise. Lors d'un sinistre causé par des pluies torrentielles, un copropriétaire a refusé que l'entrepreneur désigné par l’assureur intervienne dans sa partie privative, préférant engager son propre entrepreneur. Ce cas m'a amené à réfléchir sur plusieurs enjeux : Le copropriétaire peut-il refuser l'entrepreneur proposé par l’assureur ou le syndicat? Quelles sont les alternatives possibles pour s'assurer que les travaux soient effectués correctement et dans les délais? Quels sont les droits et obligations du syndicat dans une telle situation?

Ces questions touchent directement les obligations légales et les pratiques à respecter lors de travaux de réhabilitation en copropriété, et méritent d'être explorées en profondeur pour bien comprendre les droits et responsabilités de chacun.

Mise en situation

Lorsqu’un sinistre survient, le syndicat de copropriétaires joue un rôle clé dans la gestion des réparations et la relation avec l'assureur. Si un copropriétaire souhaite faire appel à son propre entrepreneur en construction, il est important de rappeler certaines obligations légales et pratiques qui s’appliquent dans ce contexte. En pareille circonstance, deux scénarios doivent être distingués : 1) le sinistre n'affecte que la partie privative du copropriétaire, ou 2) il touche à la fois les parties communes et privatives.

Le sinistre affecte uniquement la partie privative du copropriétaire

Si le sinistre n'affecte que la partie privative d’un copropriétaire, ce dernier peut choisir d'engager son propre entrepreneur pour effectuer les réparations. Cependant, le copropriétaire doit s’assurer que l'entrepreneur respecte les conditions imposées par l’assureur, notamment en termes de tarifs, de délais et de conformité. L’entrepreneur choisi doit, notamment, être titulaire d'une licence délivrée par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). Le copropriétaire doit fournir au syndicat et à son assureur les documents requis (factures, certificats de conformité) prouvant que les travaux ont été réalisés dans les normes. De plus, il doit se conformer aux règles, limitations ou interdictions énoncées dans le règlement de l’immeuble. Il est important de noter que ces travaux nécessitent souvent une autorisation préalable du conseil d’administration.

En parallèle, bien que le syndicat ne soit pas directement impliqué dans ces réparations, il doit s'assurer que les travaux n'affectent pas l'intégrité des parties communes, surtout si des éléments structurels comme les murs ou les systèmes collectifs sont concernés.

Il est important de rappeler que, tant que l'assureur n'aura pas reçu la preuve que les travaux ont été correctement exécutés, il n'indemnisera le syndicat qu'à la valeur dépréciée. Ce n'est qu'après la complète exécution des travaux que l'assureur versera la différence entre la valeur dépréciée et la valeur de reconstruction, permettant au syndicat de remettre le montant au copropriétaire sinistré.

Le sinistre affecte à la fois les parties communes et privatives

Lorsque le sinistre touche à la fois les parties communes et privatives, la situation est plus complexe et engage directement la responsabilité du syndicat de copropriété. En vertu de l’article 1039 du Code civil du Québec, le syndicat a pour mission de veiller à la conservation de l’immeuble, ce qui comprend l’entretien et la réparation des parties communes, telles que le gros-œuvre. Cette responsabilité a été renforcée par le Projet de loi 16, qui exige que le syndicat s'assure que les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble soient réalisés.

Dans ce cadre, le syndicat a l’obligation de garantir que les réparations respectent toutes les normes et pratiques en vigueur afin d'assurer une réhabilitation complète et adéquate de l’immeuble après un sinistre. Lorsqu’il s’agit des parties communes, le copropriétaire ne peut pas refuser l’intervention de l’entrepreneur désigné par l’assureur ou le syndicat, puisque ce dernier est légalement responsable de ces réparations. Il est donc essentiel que le syndicat contrôle ces travaux pour s'assurer de leur conformité.

Il est également fortement recommandé de faire appel à un seul entrepreneur pour l’ensemble des travaux, qu'ils concernent les parties communes ou privatives. Cela permet de faciliter la coordination, d'éviter les retards et d’assurer une qualité homogène dans l’exécution des réparations. Si le copropriétaire souhaite utiliser son propre entrepreneur pour les réparations de ses parties privatives, cela peut compliquer la gestion des travaux, en particulier lorsque les interventions touchent également les parties communes de l’immeuble. Ces complications peuvent entraîner des retards, nuire à la qualité des réparations et causer des problèmes de conformité avec les exigences de l’assureur.

Opposition du copropriétaire à l’intervention de l’entrepreneur désigné

Lorsque les parties communes sont touchées par un sinistre, le copropriétaire ne peut refuser l’intervention de l’entrepreneur désigné par le syndicat sans un motif légitime. Si le copropriétaire persiste dans son refus, le syndicat a non seulement le droit, mais aussi l’obligation d’intervenir pour garantir l’exécution des travaux, même sans l’accord du copropriétaire, afin d’assurer la réhabilitation de l’immeuble. L'article 1066 du Code civil du Québec énonce qu'aucun copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, même à l’intérieur de sa partie privative, des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble décidés par le syndicat ou des travaux urgents. Si les réparations concernent des parties communes, comme une partie du gros-œuvre, le refus du copropriétaire est d’autant plus injustifié.

Cette obligation ne s'applique pas seulement aux copropriétaires, mais aussi aux occupants et locataires. Il reste cependant à vérifier si les travaux à réaliser dans la partie privative du copropriétaire sont véritablement « nécessaires à la conservation de l’immeuble » ou relèvent des « travaux urgents », permettant de s’appuyer sur l’article 1066 C.c.Q. Il est également possible que certains travaux concernent des « améliorations apportées à l’unité par ce copropriétaire », en vertu de l’article 1073 du Code civil du Québec, pour lesquels le syndicat n’a pas d’obligation d'intervenir. Un examen plus approfondi serait donc nécessaire pour clarifier ces points.


BON À SAVOIR !​ Lorsqu’un sinistre n’affecte que la partie privative d’un copropriétaire, ce dernier peut choisir son entrepreneur. Cependant, il doit fournir à l’assureur et au syndicat les preuves de bonne exécution des travaux pour obtenir une indemnisation complète.
https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR:​ Si le sinistre touche à la fois les parties communes et privatives, le syndicat est responsable des réparations. Le copropriétaire ne peut pas refuser l'entrepreneur désigné pour les parties communes sans raison valable.
ATTENTION !​ Lorsque les parties communes sont touchées par un sinistre, le syndicat doit assumer un rôle proactif en s'assurant que les travaux sont réalisés de manière uniforme, professionnelle et rapide. Dès lors, un copropriétaire ne peut pas s’opposer à l’intervention de l’entrepreneur désigné par le syndicat pour des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble, même si les réparations se font dans sa partie privative.

 

Yves Joli-Coeur, Ad. E. 
Avocat
Dunton Rainville
3055 Boulevard Saint-Martin O
Bureau 610
Laval, QC H7T 0J3
Tél. : (450) 686-8683
Courriel : [email protected]

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