Date de publication: 01/07/2024

Copropriétaire responsable d’un sinistre

Une baignoire ou un lave-linge qui déborde dans l’appartement du dessous, un chauffe-eau qui rend l’âme et qui se déverse sur six étages: les sinistres impliquant la responsabilité civile d’un copropriétaire sont nombreux en copropriété. Et ils coûtent cher! Raison pour laquelle le montant des primes et des franchises d’assurance a augmenté considérablement au cours des dernières années.

Pire encore, certains assureurs ne veulent plus assurer les copropriétés, par le fait d’un taux de sinistralité devenu hors de contrôle. Cette situation est directement liée à l’assureur du syndicat, qui est presque toujours appelé à couvrir un sinistre, lorsque des dommages ont été causés aux parties communes et privatives. Si bien que la question à savoir qui en est le responsable se pose constamment. Or, il faut connaître le droit applicable à l’égard du fautif. D’autres considérations touchent tant l’assureur du syndicat que celui des copropriétaires concernés, afin de déterminer qui paiera quoi.

Présomption de faute établie par l’article 1465 du Code civil du Québec

En principe, le copropriétaire est responsable d’un sinistre provenant de sa partie privative. L'article 1465 du Code civil du Québec stipule que : 

« Le gardien d’un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu’il prouve n’avoir commis aucune faute. »

La jurisprudence a déjà eu l’occasion d’appliquer cet article à plusieurs copropriétaires, par exemple en raison du débordement d’un lave-linge, du bris d’un robinet du bain ou d’une base de douche. Mais un autre courant de jurisprudence a exclu (en copropriété divise) la mise en œuvre de ce régime de responsabilité civile. Comment s’y retrouver?

Régime de responsabilité contractuelle

La relation entre le syndicat et les copropriétaires est, d’abord et avant tout, une relation dite contractuelle. En ce sens, la déclaration de copropriété doit être assimilée à un contrat d’adhésion. De plus, l’article 1062 du Code civil du Québec prévoit que : « La déclaration de copropriété lie les copropriétaires, leurs ayants cause et les personnes qui l’ont signée et produit ses effets envers eux, à compter de son inscription. »

Déclaration de copropriété

Les déclarations de copropriété renferment généralement une clause qui tient tout copropriétaire responsable (à l’égard des autres copropriétaires et du syndicat) des dommages causés par sa faute ou sa négligence et par le fait d’un bien dont il est légalement responsable. Les tribunaux ont reconnu par le passé que les copropriétaires assument ainsi, contractuellement, la responsabilité des dommages causés par le fait des biens sous leur responsabilité, sans égard à quelque faute ou négligence de leur part.

Agir avec prudence et diligence

Par ailleurs, le comportement inadéquat d’un copropriétaire au regard du maintien des parties privatives et des parties communes à usage restreint peut, dans certaines circonstances, engager sa responsabilité civile. L’article 1458 du Code civil du Québec prévoit en effet ce qui suit : 

« Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés. Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables. »

Ce comportement doit être qualifié de fautif lorsqu’il ne s’agit pas d’un comportement raisonnablement prudent et diligent, à la lumière de l’ensemble des circonstances observées. C’est ainsi que la responsabilité civile d’une copropriétaire a été retenue par la Cour du Québec – Division des petites créances, en janvier 2019, pour avoir laissé s’accumuler une grande quantité de neige (environ 5 pieds à certains endroits) sur son balcon. Dans cette décision, la déclaration de copropriété prévoyait une obligation, pour tous les copropriétaires, d’assurer le déneigement de leur balcon, même si celui-ci était une partie commune à usage restreint.

Par ailleurs, un autre copropriétaire a été reconnu responsable du bris du réservoir d’un sanitaire (toilette) situé dans sa partie privative. Le tribunal a alors conclu que le copropriétaire devait assumer les conséquences pécuniaires des dommages causés au syndicat, c'est-à-dire le montant de la franchise de la police d'assurance, et ce, par le fait des prescriptions de la déclaration de copropriété. Le tribunal reconnaissait ainsi une responsabilité sans faute du copropriétaire, c’est-à-dire qu’il n’était pas nécessaire de démontrer que le copropriétaire avait commis une faute dans la garde ou l’entretien du sanitaire.

Modification législative

Le second alinéa de l’article 1074.1 du Code civil du Québec, qui est entré en vigueur le 13 décembre 2018, prévoit que:

« Le syndicat qui ne se prévaut pas d’une assurance ne peut poursuivre les personnes suivantes pour les dommages pour lesquels, autrement, il aurait été indemnisé par cette assurance :

  1. Un copropriétaire;
  2. Une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire;
  3. Une personne pour qui le syndicat doit souscrire une assurance en couvrant la responsabilité. »

Est-ce que cela signifie que dorénavant, le syndicat ne peut plus poursuivre le copropriétaire responsable d’un sinistre?  Non, car en principe, il serait en droit de lui réclamer le montant de la franchise. Il serait également en droit de poursuivre le copropriétaire pour les dommages excédant le montant d’assurance.

Aussi, il ne faut pas confondre « les dommages pour lesquels le syndicat aurait été indemnisé par son assurance » avec les dommages pour lesquels le syndicat n’aurait pas pu être indemnisé. Par exemple, un copropriétaire pourrait avoir causé des dommages, au fil des ans, par suite d’un manque d’entretien des joints d’étanchéité de sa douche. Comme il s’agit d’un dommage graduel qui fait couramment l’objet d’une exclusion, l’assureur serait justifié de refuser d’indemniser le syndicat, auquel cas celui-ci conservera son recours à l’encontre du copropriétaire.

Mais alors, à quelles conditions le syndicat conserve-t-il son recours à l’encontre du copropriétaire?

Recours du syndicat contre le copropriétaire fautif

  • Première version de l’article 1074.2 du Code civil du Québec

Une première version de l’article 1074.2 du Code civil du Québec, entré en vigueur le 13 décembre 2018, énonçait ce qui suit: 

« Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute.

Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa. »

À titre d’exemple, si la franchise s’élevait à 5 000 $, et que les travaux coûtaient 8 000 $, le syndicat pourrait récupérer 5 000 $ du copropriétaire fautif.   Mais le droit du syndicat d’être indemnisé, pour le montant qu’il a dû payer en raison de la franchise, devait dorénavant être justifié par une preuve démontrant la faute du copropriétaire responsable du sinistre, par exemple le manque d’entretien de sa partie privative.

Il n’était donc plus suffisant de démontrer que le dommage avait émané de l’unité du copropriétaire pour que celui-ci soit tenu de rembourser la franchise du syndicat. Il revenait au syndicat de démontrer que le copropriétaire avait été fautif, c’est-à-dire qu’il ne s’était pas comporté comme un copropriétaire raisonnablement prudent et diligent.

Ce lourd fardeau reposant sur le syndicat faisait en sorte qu’il était difficile de démontrer la faute d’un copropriétaire. De plus, le syndicat ne pouvait plus se rabattre sur les dispositions de la déclaration de copropriété prévoyant une responsabilité sans faute du copropriétaire à l’égard d’un dommage causé par un bien qu’il a sous sa garde.

  • Seconde version de l’article 1074.2 du Code civil du Québec

Afin de pallier les difficultés créées par la première mouture de l’article 1074.2 du Code civil du Québec, l’article a été modifié par le Projet de loi 41. Depuis le 17 mars 2020, il se lit dorénavant comme suit :

« Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute et, dans les cas prévus au présent code, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde.

Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa. »

Cet ajout a pour effet de rendre applicable, aux relations entre le syndicat et les copropriétaires, diverses présomptions prévues ailleurs au Code civil du Québec, dont la présomption de faute prévue à l'article 1465 du Code civil du Québec .

Concrètement, cela signifie que le syndicat n’aura plus à démontrer que le copropriétaire a commis une faute, laquelle sera présumée. Il reviendra plutôt au copropriétaire (gardien du bien) de démontrer qu’il n’a pas commis de faute. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 1465 du Code civil du Québec crée une présomption de faute, pas de responsabilité. Ainsi, le gardien du bien qui a causé un dommage à autrui peut repousser cette présomption et s'exonérer de responsabilité en prouvant qu'il n'a commis aucune faute.

Recours du syndicat contre l’assureur du copropriétaire fautif

Rappelons qu’en copropriété, plusieurs assurances coexistent : chaque occupant de l’appartement, qu’il soit propriétaire ou locataire, est habituellement assuré en responsabilité civile. Même si l’assureur du copropriétaire fautif n'a pas de lien contractuel avec la copropriété, il pourrait être poursuivi par le syndicat en tant qu'assureur du copropriétaire, en vertu de l'article 2501 du Code civil du Québec, qui se lit comme suit: « Le tiers lésé peut faire valoir son droit d'action contre l'assuré ou l'assureur ou contre l'un et l'autre. »

Moyen de défense du copropriétaire fautif

L'article 1465 du Code civil du Québec crée une présomption de faute, pas de responsabilité. Afin de se dégager de sa responsabilité, le copropriétaire devra démontrer qu’il n’a pas commis de faute dans la garde ou l’entretien du bien à l’origine du dommage.

Donc, si le gardien peut démontrer qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter les dangers prévisibles, ou s’il prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, du fait d’un tiers ou de la victime elle-même, il ne sera pas tenu responsable du dommage causé.

Un copropriétaire pourrait également invoquer que le syndicat a souscrit une assurance dont la franchise est déraisonnable, et qu’il n’a pas à en subir le préjudice. Rappelons que les copropriétaires doivent être considérés comme les bénéficiaires de l’assurance souscrite par le syndicat, puisqu’ils en paient les primes à même leurs charges communes.

 

BON À SAVOIR ! Un syndicat de copropriétaires peut se fonder sur la présomption de faute stipulée par l’article 1465 du Code civil du Québec, afin d’établir la responsabilité d’un copropriétaire. Le copropriétaire peut repousser cette présomption et s'exonérer de responsabilité en prouvant qu'il n'a commis aucune faute.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR :​ Les syndicats de copropriétaires ont tout intérêt à obliger les copropriétaires à faire installer dans leur partie privative un système de protection contre les fuites d’eau et à mettre en place des inspections obligatoires de tous les appareils de robinetterie et des chauffe-eau.

ATTENTION ! Le recours du syndicat contre un copropriétaire fautif doit, en règle générale, être précédé d’une mise en demeure. À défaut de le faire, ou advenant son envoi tardif au destinataire, le syndicat pourrait voir son recours débouté.

 

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