En principe, tout copropriétaire a le droit de jouir de sa partie privative comme bon lui semble. De plus, la loi prévoit un devoir de tolérance des voisins c’est-à-dire d’accepter les inconvénients normaux que peut engendrer l’exercice du droit de propriété par l’autre. Cet usage comporte néanmoins des limites. Dans le cas où les nuisances provoquées par un occupant de l’immeuble deviennent excessives, elles constituent un trouble anormal de voisinage. Il est fréquent qu’un tel cas d’espèce constitue un non-respect de clauses relatives à la jouissance paisible des parties privatives, qui sont prévues dans le règlement de l’immeuble. Cela dit, un trouble anormal de voisinage ne constitue pas, systématiquement, une violation à la déclaration de copropriété. Il faut savoir que dans certaines circonstances, ce type d’inconvénients peut être sanctionné, même si leur auteur n'a commis aucune faute.
Deux régimes de responsabilité
La Cour suprême du Canada a reconnu, dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, qu’il existe deux régimes de responsabilité visant tout type de propriétaire. Le premier est un régime de droit commun de la responsabilité civile, fondé sur la faute (article 1457 du Code civil du Québec), tandis que le second est un régime de responsabilité sans faute, fondé sur la mesure des troubles subis par la victime (article 976 du Code civil du Québec).
Régime de responsabilité fondé sur le comportement fautif (article 1457 du Code civil du Québec)
Ce régime recherche une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. La faute civile s’apprécie en fonction des règles de conduite à adopter selon les circonstances. À titre d’exemple, des copropriétaires qui déménagent ou emménagent dans l’immeuble à des heures interdites par la déclaration de copropriété, et qui, ce faisant, troublent la jouissance paisible de ses occupants. Autrement dit, une faute est commise lorsque l’obligation d’agir raisonnablement, avec prudence et diligence n’est pas respectée.
Régime de responsabilité sans faute fondé sur la mesure des troubles subis par la victime (article 976 du Code civil du Québec)
La mesure des inconvénients subis ne cherche pas à établir une faute, mais plutôt les conséquences liées aux gestes posés. À titre d’exemple, un copropriétaire remplace son tapis de salon par un revêtement de sol dur (ex. : plancher en bois franc). La déclaration de copropriété le permet, toutefois, les travaux qui en découlent réduisent les propriétés acoustiques initiales de l'immeuble. Conséquence : le voisin du dessous entend clairement les bruits d’impact et aériens. Advenant que cela entraîne des troubles anormaux de voisinage, la responsabilité du copropriétaire responsable pourrait être engagée.
L’article 976 du Code civil du Québec rappelle, cependant, que « les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux ». Toutefois, la loi ne précise pas ce qu’est un « trouble anormal » de voisinage. Par conséquent, les tribunaux doivent déterminer, au cas par cas, si l’inconvénient subi cause ou non un préjudice (ex. : le bruit, les actes violents et les troubles du comportement). Cette limite de la tolérance devra donc être objective, en ce sens qu’elle tiendra compte du fait que les copropriétaires sont des voisins mitoyens, qu’ils vivent à proximité les uns des autres et partagent des parties communes. Cela est d’autant plus vrai dans un immeuble où l’insonorisation respecte des normes minimales.
Mise en œuvre de la déclaration de copropriété
L’article 1063 du Code civil du Québec prévoit que : « Chaque copropriétaire dispose de sa fraction; il use et jouit librement de sa partie privative et des parties communes, à la condition de respecter le règlement de l’immeuble et de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. » La déclaration de copropriété comporte généralement des dispositions visant à encadrer, voire à interdire certaines activités ou certains comportements au sein d’une copropriété, afin d’éviter la naissance de troubles anormaux de voisinage et ce, quelle que soit la nature de la nuisance : sonore, olfactive ou visuelle. Par exemple, un trouble anormal de voisinage peut résulter, parfois, du remplacement non autorisé d’un tapis par un plancher en bois franc. Si tel est le cas, une démarche devra être entreprise pour faire respecter la déclaration de copropriété. Que ce soit par un copropriétaire ou le syndicat.
Il arrive, fréquemment, que les contrevenants ne se sentent pas concernés par la déclaration de copropriété. En pareille situation, le conseil d’administration doit veiller à ce qu’elle soit respectée à la lettre. Il lui faut communiquer avec les personnes concernées, par écrit, pour leur rappeler qu’elles ont des obligations. En règle générale, cette démarche suffit pour faire cesser les comportements inappropriés.
Premiers réflexes
Avant d’engager un recours judiciaire, vous pourrez prendre certaines actions pour faire cesser les troubles anormaux de voisinage :
Advenant que vous lui en fassiez part, mais que le voisin dérangeant ne fait rien pour cesser ses comportements inappropriés, vous pourriez aussi :
Saisir les tribunaux
Lorsque les tentatives de règlement à l'amiable du litige ont échoué, il faut intenter un recours judiciaire pour obtenir la cessation du trouble anormal de voisinage, ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Cette démarche ne peut pas être engagée si la déclaration de copropriété comporte une clause compromissoire (clause d'arbitrage) qui a pour objet de soustraire un litige à la compétence des tribunaux.
Locataire : dommages-intérêts et résiliation du bail
En cas de troubles anormaux de voisinage causés par un locataire, tout copropriétaire qui en subit un préjudice peut poursuivre le copropriétaire bailleur et son locataire pour les dommages subis. Après les avoir avisés, la résiliation du bail pourra être demandée par le syndicat, lorsque le non-respect d’une obligation (notamment dans le règlement de l’immeuble) par le locataire cause un préjudice sérieux et irréparable à un copropriétaire, ou à un autre occupant de l’immeuble.
BON À SAVOIR ! La preuve des nuisances peut être établie par divers moyens: courriels échangés avec le voisin à l'origine d'une nuisance, constat d'huissier, témoignages et relevés d'un expert (ex. : rapport sur les bruits d’impacts ou aériens établi par un acousticien), pour ne nommer que ceux-là.
À RETENIR : Les troubles anormaux de voisinage sont des nuisances qui peuvent être sanctionnées, même si leur auteur n'a commis aucune faute. Dans la décision Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette (par. 94), la Cour suprême du Canada a conclu que l’article 976 du Code civil du Québec reposait sur une responsabilité civile sans égard à la faute. Ainsi, la victime du préjudice causé par un trouble de voisinage anormal aura à démontrer uniquement que les inconvénients qu’elle subit sont excessifs et intolérables.
ATTENTION ! Toute clause de la déclaration de copropriété qui a pour objet d'encadrer, voire d'interdire une activité ou un comportement susceptible d’être à l’origine d’un trouble anormal de voisinage, ne pourra produire ses effets que si elle est justifiée par la destination de l’immeuble. Rappelons qu’est sans effet toute décision du syndicat qui, à l'encontre de la déclaration de copropriété, impose au copropriétaire une modification à la destination de sa partie privative ou à l'usage qu'il peut en faire.
VÉRIFIEZ VOS CONNAISSANCES ! En cliquant sur l'hyperlien, vous pouvez vérifier votre compréhension avec la matière ci-haut traitée.
16/09/2024
21/05/2020
19/03/2010
26/09/2017
04/01/2024