Date de publication: 01/07/2024
Limites quant à la location en copropriété divise
Une tendance à la location des unités détenues en copropriété divise s’est manifestée depuis quelques années dans les grands centres urbains ainsi que ceux de villégiature. Bien que mettre en location un bien immobilier soit un droit de propriété reconnu pour un copropriétaire, celui-ci se doit de connaitre les règles applicables en cette matière. La loi et la déclaration de copropriété listent les obligations auxquelles s'engagent les locataires et les copropriétaires-bailleurs lorsqu'ils signent un bail, comme le fait de respecter le règlement de l’immeuble. Certaines de ces obligations peuvent causer la résiliation du bail si elles ne sont pas respectées !
Aménagement du droit de location
La déclaration de copropriété peut valablement contenir des restrictions au droit de louer une partie privative, si celles-ci sont justifiées par la notion de destination de l’immeuble c’est-à-dire, l’usage auquel l'immeuble est réservé. La Cour d’appel du Québec a ainsi reconnu que la location peut être encadrée, même si la déclaration de copropriété ne prévoit à l’origine aucune disposition à cet égard. À titre d’exemple, dans une copropriété à caractère exclusivement résidentiel, le règlement de l’immeuble pourrait interdire la location à court terme. L'objectif vise à empêcher qu’une copropriété ne se transforme en hôtel, afin que les occupants qui y vivent puissent cohabiter dans l’harmonie.
Il faut savoir que la destination résidentielle d’un immeuble est incompatible avec la location à très court terme, à la semaine ou à la journée par exemple, de type Airbnb ou hôtelière, sous quelque forme que ce soit. Il est également contraire à la destination de l’immeuble de consentir, de façon répétée, des locations ou des autorisations d’occuper portant sur les parties privatives pour des périodes de moins d’un (1) an.
Clause pénale
Par ailleurs, la déclaration de copropriété peut prévoir, au moyen d’une clause pénale, des amendes découlant du défaut (par un copropriétaire) de respecter le règlement de l’immeuble (article 1622 du Code civil du Québec). En pareille circonstance, le copropriétaire fautif serait tenu de verser une somme forfaitaire au syndicat, à titre de dommages et intérêts.
Rappelons que le règlement d’immeuble (ou les modifications qui lui sont apportées) est opposable au locataire, et ce, dès qu'un exemplaire du règlement ou des modifications qui y ont été apportées lui est remis par le copropriétaire ou à défaut, par le syndicat de copropriétaires. Ce principe a d’ailleurs été mis en oeuvre dans une décision du Tribunal administratif du logement. Dans cette affaire, le locataire d’un copropriétaire avait sous-loué son logement sur la plateforme Airbnb. Puisque cette location était contraire au règlement de l’immeuble, le copropriétaire avait reçu une amende de 1000$. Celui-ci réclamait de son locataire la somme qu’il avait dû acquitter au syndicat. Toutefois, le locataire n’avait pas été mis au courant de cet interdit de location à court terme. Dans les circonstances, le Tribunal administratif du logement a refusé de rendre le locataire responsable de l’amende.
Clause jugée illégale par la Cour d’appel du Québec
Lorsque la déclaration de copropriété définit la destination de l’immeuble comme étant de vocation résidentielle, l’assemblée des copropriétaires ne peut modifier, à la majorité absolue, la déclaration de copropriété de façon à limiter la proportion d’unités louées dans l’immeuble. C’est ainsi que la Cour d’appel du Québec a rappelé dans un arrêt que la modification de la déclaration de copropriété ne peut avoir lieu que si elle s’avère justifiée par la destination de l'immeuble, ses caractères ou sa situation, ainsi que l’énonce l’article 1056 du Code civil du Québec. Quant à l’article 1063 du Code civil du Québec, il prévoit le droit des copropriétaires d’user et de jouir librement de leur partie privative. La Cour a conclu que les restrictions apportées au droit de location des copropriétaires constituent bien plus qu’un simple aménagement ou qu’un encadrement du droit de location. Elles font passer la proportion d’unités pouvant être mises en location de 100 % à 10 %. Concrètement, cela a eu pour effet de nier à de nombreux copropriétaires le droit de louer leur unité, alors qu’il s’agit de l’un des attributs du droit de propriété protégé par l’article 1063 C.C.Q. et prévu expressément dans la déclaration de copropriété.
De plus, le caractère indéterminable de la durée de la restriction et le fait qu’il n’y a aucun moyen de prévoir le moment où le taux de location descendra sous les 10 % viennent compromettre l’exercice légitime ou prévisible du droit de location, rendant impossible la planification de l’utilisation d’un tel droit. Cette difficulté pratique et concrète touche fondamentalement le droit de location, revenant à en nier l’existence, et ne peut s’inscrire dans le prolongement de la destination de l’immeuble sous prétexte que la majorité des copropriétaires le souhaiteraient. Rappelons que pour changer la destination d’immeuble, seul un vote de l’assemblée des copropriétaires peut le permettre, et ce à la majorité des trois quarts des copropriétaires, représentant 90% des voix de tous les copropriétaires (article 1098 du Code civil du Québec).
BON À SAVOIR ! En tant que copropriétaire, vous avez le droit de louer votre logement à qui bon vous semble. Le syndicat des copropriétaires ne peut intervenir sur votre choix, à condition que votre locataire soit respectueux des règles établies dans le règlement d’immeuble.
À RETENIR: La validité d’une clause de la déclaration de copropriété restreignant le droit de louer une partie privative (par ex. un appartement, une case de stationnement ou de rangement) est soumise à l’appréciation des tribunaux. La Cour d’appel s’est prononcée à plus d’une reprise sur le sujet.
ATTENTION ! Le droit d’un copropriétaire de louer sa partie privative fait partie intégrante de son droit de propriété. Toutefois, le droit de louer connaît ses limites.
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