La volonté de préserver la sécurité des personnes et des biens peut conduire tant les syndicats que les copropriétaires à envisager l’installation de caméras de surveillance dans l’immeuble. Pour plusieurs, lorsqu’une copropriété fait face à des actes de vandalisme répétés ou subit des cambriolages, la vidéosurveillance est souvent perçue comme une solution efficace, d'autant plus que la diminution des coûts et les avancées technologiques en facilitent l'accès. Toutefois, la légalité de l'installation de caméras en copropriété soulève plusieurs enjeux et suscite des débats, notamment parmi les occupants soucieux de préserver leur droit à la vie privée. Ainsi, plusieurs questions émergent : l'installation de caméras de surveillance en copropriété est-elle conforme à la loi? Si oui, existe-t-il une procédure spécifique à suivre?
Syndicat
Le Code civil du Québec n'encadre pas spécifiquement l'installation de caméras de surveillance dans une copropriété divise; un syndicat peut être justifié d’installer un tel dispositif dans l’unique but de garantir la sécurité des biens et des personnes. Les caméras de surveillance peuvent être disposées dans les parties communes en autant qu’elles ne soient pas cachées et qu’elles ne visent pas spécifiquement une ou quelques unités ni les résidents eux-mêmes; néanmoins, ces derniers doivent avoir été informés que les parties communes sont surveillées par de tels appareils technologiques sinon les copropriétaires de l'immeuble pourraient prétendre que le tout porte atteinte à leur vie privée et ce, conformément à l’article 36 du Code civil du Québec.
Une justification et une décision s’imposent
Le conseil d'administration peut prendre l'initiative de faire installer des caméras de surveillance dans les parties communes s'il y a eu dans le passé des dégradations faites à l'immeuble telles que du vandalisme ou des vols et ce, que ce soit par des tiers ou des occupants; une telle installation s’explique par la mission du syndicat d'assurer la conservation de l'immeuble ou les opérations d’intérêt commun.
Toutefois, s'il n'y a jamais eu de tels méfaits, certains pourraient prétendre que l’installation de caméras constitue des travaux d'amélioration des parties communes; dès lors, une autorisation de l'assemblée de copropriétaires serait requise aux termes d'un vote à la majorité renforcée. Par ailleurs, dans un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec, il fut décidé que la sécurité étant une composante de la destination de l’immeuble, l’installation d’un meilleur système de sécurité s’inscrivait dans la conservation de la destination de l’immeuble plutôt que de changer cette destination.
Respect de la vie privée
Lorsqu'une caméra de surveillance est installée dans les parties communes, notamment aux étages ou dans l’entrée de l'immeuble, il est requis d'avertir les occupants et les visiteurs de l'installation de celle-ci; un panneau d'avertissement de vidéosurveillance devrait annoncer l’utilisation de tels dispositifs aux personnes susceptibles d’être filmées et ce, avant qu’elles pénètrent dans les lieux. Bien que la sécurité puisse constituer une raison valable, il serait inapproprié d'installer une caméra de surveillance qui pointerait vers la porte d'entrée d'un appartement spécifique; la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé oblige un syndicat de copropriétaires à concilier ses besoins en matière de surveillance vidéo et le droit des personnes à la vie privée qui suppose le droit de vivre sa vie à l’abri du regard d’autrui. Il faut également retenir que les renseignements recueillis au moyen de la surveillance vidéo ne devraient servir qu’aux fins pour lesquelles la surveillance est menée ou à des fins autorisées par la loi; ainsi, si une caméra de surveillance est installée dans le garage intérieur de la copropriété à des fins de sécurité, les renseignements recueillis ne peuvent être utilisés pour suivre les déplacements des copropriétaires, occupants ou locataires. Toutefois, dans le cas d’entrées par effraction dans des voitures, les renseignements peuvent être communiqués aux policiers.
Copropriétaire
Un copropriétaire ne peut pas, de sa propre initiative, installer dans les parties communes une caméra de surveillance; seul le syndicat a le droit et le pouvoir d’engager une entreprise afin de procéder à sa mise en place et il en est de même pour l’installation par un copropriétaire à l’intérieur de sa partie privative d’un système de vidéosurveillance qui a pour objet de filmer les parties communes accessibles à tous les copropriétaires, cette installation pouvant constituer un trouble manifestement illicite en ce qu’elle compromettrait de manière intolérable les droits détenus par chacun des copropriétaires dans leur libre exercice de leurs droits sur les parties communes. Dans un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec, il a déjà été reconnu que photographier ou filmer une personne dans un lieu privé ou transmettre son image sans son accord porte atteinte à l’attente raisonnable des résidents en matière de vie privée; une telle pratique est contraire aux articles 3 et 35 C.c.Q. qui disposent que chacun a droit au respect de sa vie privée. L’article 36 du Code civil du Québec ajoute que « peuvent notamment être considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants : 4. Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit; ».
Gestion des enregistrements et leur consultation
L'implantation d’un système de caméras de surveillance doit répondre à un caractère de nécessité; le but poursuivi doit être suffisamment important pour justifier la cueillette de renseignements personnels et être proportionnel à cet objectif. Ainsi, aucun copropriétaire ne devrait avoir accès au visionnement des images recueillies; seules quelques personnes désignées par le conseil d’administration telles que l'administrateur, le gestionnaire ou les personnes responsables de la sécurité de l’immeuble devraient y avoir accès. Sous réserve des autorités policières ou judiciaires dans le cadre d'une enquête nécessitant l'examen des images pour identifier les auteurs de crimes ou de délits commis dans l'immeuble, ces enregistrements ne devraient, en aucun cas, être diffusés ou transférés à un tiers.
Utilisation des enregistrements des caméras de surveillance
Selon une certaine jurisprudence, le conseil d'administration peut utiliser les enregistrements des caméras de surveillance pour prouver le non-respect de la déclaration de copropriété, sous réserve du respect du droit à la vie privée. En effet, un jugement récent a établi que les parties communes, comme la piscine, la terrasse et le chalet urbain, n'offrent pas une expectative d'intimité. Toutefois, l'utilisation de ces enregistrements doit être justifiée et proportionnelle, notamment pour des raisons de sécurité. Le conseil d'administration peut ainsi consulter ces enregistrements lorsqu'il est nécessaire de faire respecter la déclaration de copropriété, comme ce fut le cas lors de la découverte de mégots de cigarette et de cendres dans un espace commun, justifiant ainsi l’utilisation des images pour identifier les contrevenants.
Les tribunaux soulignent toutefois que toute preuve obtenue en violation des droits fondamentaux, comme la vie privée, pourrait être jugée inadmissible si elle déconsidère l’administration de la justice. Dans le contexte de la copropriété, tant que l’utilisation des enregistrements est transparente et vise à faire respecter la déclaration de copropriété, ils sont généralement acceptés, à condition que les résidents soient informés de la présence des caméras.
Un règlement s’impose
Afin d’assurer le droit au respect de la vie privée, un règlement encadrant la gestion des enregistrements et leur consultation doit être adopté; ce dernier pourrait comprendre les règles suivantes:
BON À SAVOIR! La décision d’installer des caméras de surveillance dans une copropriété doit tenir compte de plusieurs facteurs; c’est un équilibre délicat qui doit être établi entre les droits de la collectivité et ceux des copropriétaires pris individuellement et ce, en fonction du contexte particulier de la copropriété concernée.
À RETENIR: La sécurité des biens et des personnes est une composante de la destination de l’immeuble; l’installation d’un système de sécurité s’inscrit ainsi dans la conservation de la destination de l’immeuble plutôt que d’en changer celle-ci.
ATTENTION! La volonté de préserver la sécurité des personnes et des biens peut conduire certains syndicats de copropriétaires à envisager l’installation de caméras de surveillance dans l’immeuble; une telle décision ne peut être prise à la légère comme le démontre un jugement rendu dans l’affaire Boivin c. Syndicat des copropriétaires Terrasse Les Jardins Durocher inc.
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