Dans le cadre d'une réunion du conseil d'administration, les administrateurs ne doivent adopter aucune décision qui soit partiale, ou dans l'intention de nuire aux copropriétaires (ou à l’un d'entre eux) ou au mépris de leurs droits. En cas de défaut, les copropriétaires (ou un administrateur) disposent désormais d’un recours judiciaire pour s'opposer aux décisions prises par le conseil d’administration. L'article 1086.2 du Code civil du Québec, entré en vigueur le 10 janvier 2020, permet au tribunal d’annuler ou, exceptionnellement, de corriger une décision du conseil d’administration. Le recours doit être entrepris dans les 90 jours suivant la décision du conseil d’administration. Voulant favoriser la stabilité des décisions du conseil d’administration, le législateur ne permet d’intenter un tel recours que dans certaines circonstances.
Causes d’annulation ou de modification
Un copropriétaire ou un administrateur peut engager un recours judiciaire pour faire sanctionner un abus de droit et demander l’annulation ou la modification d’une décision du conseil d’administration. Les causes permettant l’intervention du tribunal sont :
Partialité d’une décision
Une décision du conseil d’administration est considérée partiale lorsqu’elle est prise sans égard à l'équité, l'objectivité ou l’intérêt collectif, par exemple en favorisant ou défavorisant indument un ou plusieurs copropriétaires. Le législateur a de ce fait envisagé que certaines décisions pourraient être contestées, par exemple dans une situation où seul un nombre restreint de copropriétaires en tirerait avantage, alors qu’aucun fondement ne peut le justifier. Il en serait ainsi, par exemple, lorsque le conseil d’administration attribue à certains copropriétaires, sans motif valable, un droit de jouissance exclusif de cases de stationnement situées dans les parties communes.
Intention de nuire aux copropriétaires
L’intention de nuire constitue, en droit, le summum des fautes qui peuvent être reprochées aux administrateurs, car elle comporte une connotation de mauvaise foi. Elle consiste, pour le conseil d’administration, à user de ses droits sans avantage pour le syndicat et dans l’intention de nuire aux droits individuels des copropriétaires ou, à tout le moins, dans un but contraire à l’intérêt collectif.
Mépris des droits des copropriétaires
Les termes " mépris des droits des copropriétaires " couvrent une large gamme de cas d’espèce. Ainsi, une décision prise le conseil d’administration peut être annuler ou modifiée lorsqu’elle
Recours et tribunal compétent
Une demande en nullité ou en modification est requise afin que soit déclarée nulle une décision prise par le conseil d’administration ou en encore pour qu’elle soit modifiée. Elle sera traitée par un juge de la Cour supérieure du Québec. Une telle procédure peut être entreprise par tout copropriétaire ou administrateur. Il appartient à l’un ou l’autre de faire la preuve de ses prétentions.
Pouvoir d’intervention du tribunal
Le tribunal peut non seulement annuler mais aussi, exceptionnellement, modifier une décision du conseil d’administration qui est partiale ou qui a été prise dans l’intention de nuire aux copropriétaires ou au mépris de leurs droits. Ce pouvoir devrait toutefois s’exercer avec prudence et parcimonie. Le juge opère un contrôle de la légalité de la décision mais il ne pourrait substituer sa propre appréciation de l’opportunité de la décision du conseil d’administration. Ce n’est qu’en cas de décision jugée abusive qu'il pourra substituer son appréciation à celle du conseil.
Délai pour agir (délai de déchéance)
La demande à l’encontre d’une décision du conseil d’administration doit, sous peine de déchéance, être intentée dans les 90 jours suivant cette décision. Une fois ce délai expiré, aucun recours n’est possible, même si des motifs de contestation se révèlent ultérieurement. Ainsi, une décision manifestement irrégulière deviendra en quelque sorte régulière. Toutefois, il convient de prendre en compte une décision de la Cour supérieure du Québec qui tend à suggérer que le délai de déchéance de 90 jours ne peut commencer à courir qu’à partir de la transmission du procès-verbal aux copropriétaires.
Limites au recours
Le recours prévu à l’article1086.2 du Code civil du Québec n’autorise pas un copropriétaire ou un administrateur à remettre en question le bien-fondé d’une décision du conseil d’administration; il vise plutôt à remédier aux situations prévues à cet article. Ce recours ne doit pas servir à un copropriétaire qui veut imposer au conseil sa vision personnelle de la bonne gestion d’une copropriété. Rappelons que les tribunaux possèdent le pouvoir inhérent de réprimer et sanctionner un tel abus d’un copropriétaire.
BON À SAVOIR ! Lorsque l'administrateur d’un syndicat de copropriétaires omet de dénoncer correctement et sans délai une acquisition ou un contrat susceptible de le placer en situation de conflit d’intérêts, le tribunal, à la demande du syndicat ou d'un copropriétaire, peut, entre autres mesures, annuler l'acte ou ordonner à l'administrateur de rendre compte et de remettre à la personne morale le profit réalisé ou l'avantage reçu. Ce recours judicaire, prévu à l'article 326 du Code civil du Québec, est distinct de celui prévu à l’article1086.2 du Code civil du Québec. Il doit être intentée dans l'année qui suit la connaissance de l'acquisition ou du contrat.
À RETENIR: Pour qu'un syndicat évite d'être confronté à un recours en annulation, il faut que l’organisation d’une réunion du conseil d'administration se déroule en conformité avec les règles définies dans la déclaration de copropriété. Il est également nécessaire d’établir, pour chaque réunion, un ordre du jour, une feuille de présence et un procès-verbal. Par ailleurs, rappelons que le conseil d’administration doit transmettre aux copropriétaires le procès-verbal de toute décision prise au cours d’une réunion ou toute résolution écrite qu’il adopte, dans les 30 jours de la réunion ou de l’adoption de la résolution. (article 1086.1 du Code civil du Québec).
ATTENTION ! Seules sont susceptibles de recours en annulation, les décisions qui sont partiales ou abusives. Par conséquent, ne sont pas contestables devant un juge de la Cour supérieure du Québec, les énoncés apparaissant dans un procès-verbal qui ne créent pas de droits, tels que les délibérations des administrateurs quant à la détermination du budget prévisionnel.