3 octobre 2021 - Lorsqu’il s’agit de déterminer la prime d’assurance en fonction de la valeur assurantielle d’un bâtiment (aux fins d’assurance), le courtier ou l’assureur exigera de son client qu’il lui fournisse le coût de « reconstruction ». En effet, cette prime est établie en fonction des risques qui sont attribuables au bâtiment et aux lieux, mais aussi en fonction du coût de reconstruction. On comprend évidemment qu’après un sinistre on doit reconstruire les lieux endommagés, mais le concept va bien au-delà de la reconstruction. En effet, le coût de reconstruction est impacté par les contingences et les difficultés à remettre l’état des lieux dans sa condition d’origine. Pensons par exemple au travail que nécessite le remplacement d’une tuile de céramique brisée, sur le mur ou le plancher, il va de soi que cela entraîne aussi le remplacement d’autres tuiles autour, abîmées par les travaux.
COÛT DE NOUVELLE CONSTRUCTION OU DE RECONSTRUCTION ?
Selon le nouveau libellé de l’article 1073 du Code civil du Québec, le législateur a voulu limiter le risque lié au patrimoine collectif en faisant appel à des experts membres d’un ordre professionnel. En effet, bien souvent, le coût de « reconstruction » était établi, par exemple, par le constructeur (ou le promoteur) en fonction de son coût de construction, alors qu’il ne s’agit pas de construire à partir de zéro, mais bien de reconstruire à partir d’éléments existants en tenant compte des contingences. Il y a donc une différence importante entre ces deux concepts.
Le coût d’une « nouvelle construction » et le coût de « reconstruction » sont utilisés à des fins distinctes. Ils constituent donc deux paradigmes de valeurs différentes, soit la « nouvelle construction » pour les fins d’une valeur marchande et la « reconstruction » pour les fins d’une valeur assurantielle. Plusieurs variables différencient ces deux concepts. Dans le cas d’une reconstruction, ce sont des contingences plus importantes, suivant un sinistre, qui font augmenter le coût.
Selon les informations de la société CoreLogic, spécialisée dans les bases de données de coûts aux fins d’assurance, on y énonce les différentes perspectives et contingences. En voici quelques-unes :
ÉCONOMIE D’ÉCHELLE
Lorsqu’un contracteur construit plusieurs bâtiments en même temps, le matériel peut être acheté et livré en plus grande quantité au besoin, que ce soit pour le bois de la charpente ou les accessoires de plomberie. Si vous achetez un grand nombre de baignoires, par exemple, les fournisseurs seront en compétition et pourraient vous offrir des rabais substantiels.
Lorsque vous achetez un seul bain, surtout s’il doit être comparable à celui qui a été détruit, celui‐ci coûtera généralement beaucoup plus cher que s’il avait fait partie d'un achat important. Cela est vrai pour presque toutes les composantes d’un bâtiment, et ce seul facteur pourrait faire augmenter de plusieurs milliers de dollars le coût de reconstruction par rapport au coût d’une nouvelle construction comparable.
TRAVAUX SUR UNE BASE DESCENDANTE VERSUS ASCENDANTE
Les nouvelles constructions sont érigées de bas en haut, alors qu’en réparation (ou reconstruction), c’est souvent l’inverse. Réparer un bâtiment qui n’est pas complètement détruit signifie souvent devoir enlever le toit et reconstruire de haut en bas ; cela implique un processus de travail plus intense et nécessite plus de temps de main-d’oeuvre.
DÉMOLITION ET ENLÈVEMENT DES DÉBRIS
Une nouvelle construction s’érige normalement en terrain découvert nécessitant un peu de débroussaillage, nivellement ou autre préparation mineure du site. La reconstruction, quant à elle, s’effectue à partir d’une structure partiellement ou totalement détruite occupant le site des travaux. Bien qu’une partie de la structure puisse tenir encore debout, elle sera inutilisable et nécessitera la démolition et l’enlèvement complet.
Le site pourrait devoir faire l’objet d’un nettoyage intense suivant un incendie. Par exemple, le sol peut être contaminé, la fondation peut avoir été endommagée au‐delà d’une réparation possible. Par conséquent, beaucoup d’efforts sont exigés habituellement avant même la première coulée de béton ou le premier clou enfoncé.
UTILISATION DE LA MAIN‐D’ŒUVRE
Quand un constructeur met en chantier plusieurs projets, même s’ils ne sont pas tous localisés dans la même zone, la main-d’oeuvre pour tous les corps de métiers peut être gérée et utilisée de façon plus efficace. Par exemple, si un bâtiment n’est pas prêt pour le câblage, l’électricien peut souvent travailler sur un autre bâtiment. Quand un seul bâtiment est en cours de reconstruction, cette planification efficace est rarement possible. La main-d’oeuvre représente habituellement la plus grande part des coûts de construction d’un bâtiment.
INFLATION
Il est rare que tous les secteurs de l’économie réagissent aux pressions inflationnistes à la même vitesse. Le coût des matériaux de construction, notamment les produits du bois, augmente souvent plus vite que d’autres produits, et nettement plus rapidement que le taux d’inflation général, tel l’IPC (Indice des prix à la consommation).
ACCÈS AU CHANTIER
Dans le cas de nouvelles constructions, il n’y a généralement aucun aménagement paysager, ce qui permet un accès facile au site. Les matériaux de construction peuvent être acheminés directement de n’importe lequel des côtés de la structure selon les besoins.
Cependant, quand il s’agit d’une reconstruction entre des bâtiments existants, il y a habituellement présence d’arbres, arbustes, de parterres de fleurs, pelouses, clôtures, et obstructions semblables qui limitent l’accès. Les matériaux doivent souvent être déchargés plus loin et transportés manuellement à l’endroit où ils sont nécessaires. Ce facteur est aggravé si le chantier est sur un terrain en pente. L’impact sur les coûts de main-d’œuvre peut être important.
PARTICULARITÉS ET MATÉRIAUX INHABITUELS
Les anciens bâtiments, les bâtiments patrimoniaux ou ceux ayant été largement rénovés comportent souvent des caractéristiques personnalisées ou des matériaux inhabituels qu’on ne retrouve pas dans les constructions d’aujourd’hui. Ces particularités ou caractéristiques, s’il est possible de les reproduire, pourraient s’avérer être une démarche très dispendieuse.
Ces exemples incluent des tuiles ou de l’ardoise de toit, des murs de lattes et de plâtre, des plafonds voûtés, des lambris, portes en bois massif, de la quincaillerie personnalisée, des cheminées ornementales, des poutres apparentes, des vitraux, ou des fenêtres ornementales, escaliers courbes ou des tuiles de plancher ainsi que bien d’autres éléments.
CHANGEMENTS AUX CODES DU BÂTIMENT
La majorité des bâtiments anciens, de même que de nombreux bâtiments plus récents ont été construits pendant les périodes où les codes du bâtiment étaient moins stricts qu’ils le sont aujourd’hui.
Advenant une reconstruction ou une restauration du bâtiment, celle‐ci pourrait être soumise aux nouveaux codes de construction, beaucoup plus exigeants. De même que pour certains éléments structurels non endommagés, ceux‐ci pourraient devoir être refaits, par exemple le câblage électrique ou la plomberie afin de répondre aux codes de construction actuels.
Les codes de construction pourraient également vous obliger à remplacer les fenêtres en verre de sécurité ou à procéder à la réfection du toit avec des matériaux ignifuges. Les modifications au Code de construction peuvent engendrer une augmentation de plusieurs milliers de dollars au coût de restauration d’un bâtiment endommagé.
LES COÛTS DE CONSTRUCTION AUGMENTENT APRÈS UNE CATASTROPHE NATURELLE
Dans le sillage d’une catastrophe naturelle affectant une large zone, les coûts des matériaux de construction et les honoraires des entrepreneurs vont presque toujours augmenter fortement en réponse à la poussée soudaine de la demande.
Même sans profiteurs délibérés, ce serait normalement vrai, car lorsque les approvisionnements locaux sont rapidement épuisés, les matériaux doivent être introduits sur une base d’urgence, provenant souvent d’usines plus éloignées. Cela peut occasionner des coûts de transport plus élevés, et beaucoup de temps supplémentaire pour la main-d’œuvre. Dès qu’il y a urgence de réparer ou reconstruire plusieurs bâtiments au même moment, le coût de chacun sera plus élevé que la normale, et parfois beaucoup plus élevé.
LES ÉLÉMENTS INTACTS DU BÂTIMENT ET LE CONTENU DOIVENT ÊTRE PROTÉGÉS
Une fois le feu éteint ou la catastrophe naturelle (ou de cause humaine) affaiblie, toutes les parties du bâtiment restées intactes doivent être protégées contre d’autres dommages ou le pillage. Cela peut impliquer de couvrir un toit, fermer des ouvertures de fenêtres manquantes et des trous dans les murs, avec des bâches en plastique par exemple. Dès que possible, les biens personnels des survivants doivent être retirés et placés temporairement en lieu sûr.
URGENCE POUR L’ASSURÉ
Un des éléments les plus importants suivant une réclamation de l’assuré est de faire en sorte que les occupants puissent réintégrer les lieux le plus rapidement possible après restauration du bâtiment.
Cette « urgence » accrue comporte habituellement un coût plus élevé dans les frais de livraison de matériaux et les frais de l’entrepreneur. En effet, l'urgence lors d’une reconstruction après sinistre n’est pas comparable à celle dans le cas d’une nouvelle construction de bâtiment.
CONCLUSION :
Il est donc important, d’une part, de faire appel à un évaluateur, membre en règle à l’OEAQ ; l’évaluateur agréé étant le seul professionnel habilité à déterminer une valeur assurantielle et à produire, en cas de litige, un rapport destiné à la Cour, le cas échéant. Par ailleurs, la visite des lieux de l’immeuble doit également être effectuée par l’évaluateur agréé lui‐même, et non par la seule présence d’un technicien.
D’autre part, les évaluateurs agréés spécialisés en « valeur assurantielle » ont accès, ou détiennent, des sources de données spécifiques pour ce type de mission selon l’une ou l’autre des différentes notions de valeur et de coût énumérées dans l’article précédent « Qu’est‐ce que la valeur assurantielle exactement ? ».
Comme nous pouvons le constater, la mission d’établir la valeur assurantielle est délicate et l’enjeu important. Un rapport d’évaluation inadéquat pourrait engendrer des conséquences fâcheuses ; on n’a qu’à penser à la règle proportionnelle expliquée dans un article paru antérieurement.
« Chacun son métier, les vaches seront bien gardées. » Le Vacher et le Garde‐chasse, Jean‐Pierre Claris de Florian.
Yvon Rudolphe, MBA fin., É.A., Adm.A.
Consultant et administrateur en patrimoine
Évaluateur agréé et courtier immobilier
Tél. : (514) 592-9257
Courriel : [email protected]
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