Date de publication: 10/05/2021

À quand une franchise raisonnable en copropriété?

Le bâtiment du 9775 boulevard de l'Ormière à Québec10 mai 2021 — Le non renouvellement des contrats d'assurance, en copropriété, n'est plus un phénomène rare. Le syndicat de copropriétaires du 9775 boulevard de l’Ormière (Immeubles H.S.F. et Maison Martin-Matte), à Québec, est l’une des victimes de cette tendance, qu'ont les assureurs, à larguer leurs assurés dont l'historique de sinistralité est trop élevé. 

Immeubles H.S.F. et Maison Martin-Matte ont pris possession, en 2016, de l'édifice du 9775 boulevard de l'Ormière. Le premier gère des logements subventionnés sur trois étages, dont le loyer est abordable, tandis que les autres paliers sont destinés aux personnes souffrant d’un traumatisme crânien ou de déficiences physiques.

Desjardins se retire

"Le syndicat possédait une couverture avec Desjardins Assurances jusqu'à tout récemment. L'assureur a refusé de renouveler le contrat, à la suite d'un sinistre", fait savoir un reportage diffusé, hier, à la télévision de Radio-Canada. À quelques semaines de préavis, le syndicat s’est vu contraint de partir à la recherche d’un nouvel assureur, mais impossible d’en trouver un à un prix dit abordable », raconte la journaliste Marie-Josée-Paquette-Comeau.

Seule consolation : Desjardins a prolongé la couverture de trois mois. Cela donnera le temps au syndicat d’explorer des solutions alternatives, et nous allons les accompagner dans cette démarche, a dit l’assureur.

De plus en plus craintifs

À l’heure actuelle, moins d’une dizaine de compagnies d’assurance, au Québec, offre une couverture aux grandes copropriétés. Vincent Gaudreau, courtier en assurance de dommages et vice-président chez Gaudreau Assurances, affirme "que des assureurs réguliers comme Desjardins sont de plus en plus craintifs, quand vient le temps d'assurer des bâtiments ayant une grande sinistralité". Dès lors, les courtiers se retrouvent à magasiner sur le marché secondaire.

"On parle généralement, dans ces cas-là, d'une prime qui va doubler et d'une franchise qui va aussi être plus importante. Pour les grandes copropriétés divises du centre-ville, il n'est pas rare de voir des franchises à 100 000 $ ou 250 000 $, d'ajouter Vincent Gaudreau. Pour la Maison Martin-Matte et les Immeubles H.S.F., impossible de survivre en pareil contexte. « Ça va être la mort des organismes, ça va être la mort de H.S.F. », craint Sandra Molloy, vice-présidente des Immeubles H.S.F.

Ce gestionnaire des logements abordables que compte l’immeuble n’a que ses loyers pour espérer augmenter ses revenus. Or, étant donné que Immeubles H.S.F. est régi par la Société d’habitation du Québec, il doit respecter sa mission.

« Pourquoi est-ce qu’on perd notre temps à essayer de régler des problèmes administratifs, au lieu de regarder à augmenter la qualité des services? », affirme pour sa part Denis Doyon, président de la Maison Martin-Matte. L’augmentation des coûts d’assurances la forcera à revoir ses plans d’expansion, ce qu’il déplore.

Des syndicats qui sont leur propre assureur

Lorsqu’une franchise atteint les 250 000 $, la majorité des sinistres (en copropriété) est assumée par le syndicat lui-même », explique Yves Joli-Coeur, avocat émérite et secrétaire général du RGCQ. Ils deviennent leur propre assureur, en quelque sorte. « L'assureur ne paie plus, mais il ramasse la prime, ça n’a aucun sens », tonne-t-il.

Ce juriste est d’avis que si le gouvernement ne s’attaque pas à la flambée des prix en matière d’assurance, les syndicats de copropriétaires frapperont un mur. Cela mettra en péril leur viabilité. Ce marché est en crise, il va sans dire.

Selon Yves Joli-Coeur, le gouvernement devra statuer sur ce que doit être une franchise raisonnable. En d’autres termes, il lui faudra imposer un plafond, mais aussi exiger, lors d’une souscription, une plus grande prudence des assureurs à l’égard des syndicats. Ces derniers font partie de la solution, notamment en misant sur l’entretien régulier et préventif de leur immeuble, afin d’être assurables à moyen et long terme.

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Montréal, 10 mai 2021
Source: Radio-Canada et Condolegal.com