Date de publication: 06/02/2020

Le poids financier du fonds d’autoassurance

26 février 2020 - Plusieurs syndicats de copropriétaires devront se serrer la ceinture, en raison des charges accrues qu’ils devront éventuellement débourser. Non seulement au regard de l’adoption du projet de loi 16, le 5 décembre 2019, mais aussi du projet de loi 141 adopté le 13 juin 2018.

La mise en place d’un fonds d’autoassurance - un des plats de résistance du projet de loi 141 - pourrait être imminente, en vertu d’un projet de règlement annoncé le 17 juillet 2019. Ce fonds servira à couvrir la franchise d’un syndicat, advenant un sinistre. Le montant devra égaler la plus haute franchise de la police d’assurance qu’il a souscrite.

Le fonds d’autoassurance : une nécessité

L’avocat émérite et secrétaire général du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ), Yves Joli-Coeur, espère que cette mesure entrera en vigueur dès le printemps 2020. Rappelons qu’outre le fonds d’autoassurance, ce projet de règlement inclut la responsabilité civile obligatoire pour tout copropriétaire, la valeur de reconstruction d’un bâtiment détenu en copropriété divise, ainsi que les risques couverts par défaut dans un contrat d’assurance.

« Il ne faudrait pas que ça traîne, ajoute-t-il, car l’assurance en copropriété est une source d’inquiétudes réelle, tant chez les copropriétaires que chez les acheteurs potentiels, qui veulent connaître ses nouvelles modalités d’application. »

Franchises à 50 000 $, voire plus

Le montant d’une franchise peut avoisiner les 50 000 $ pour un immeuble. Il peut parfois même atteindre 100 000 $, voire plus, notamment en ce qui a trait au risque lié aux dégâts d’eau. Par conséquent, ce fonds permettra qu’en cas de sinistre, un syndicat puisse procéder aux travaux pour faire réparer les dommages. Actuellement, lorsque cela se produit, certains d’entre eux reportent ces travaux, faute d’avoir l’argent pour payer la franchise.

Le courtier en assurance de dommages Vincent Gaudreau (Gaudreau Assurance) estime, pour sa part, que la souscription obligatoire au fonds d’autoassurance contribuera à « clarifier les choses » dans une copropriété. « Je dirais même que ça fera partie des bonnes pratiques, et que ça va amener une meilleure gestion des affaires. »

Bien que l’obligation d’avoir un fonds d’autoassurance ne soit pas encore en vigueur, plusieurs syndicats de copropriétaires bien administrés ont prévu le coup, en engrangeant les bons montants, en réserve, pour parer un éventuel sinistre et assumer la franchise.

Un fonds de prévoyance plus exigeant

De son côté, l’avocate Stefania Chianetta est d’avis que ces nouvelles obligations vont poser de nouveaux défis. « Parce qu’il faut comprendre qu’il n’est pas uniquement question du fonds d’autoassurance, précise-t-elle, mais également du fonds de prévoyance. On s’apprête d’ailleurs à imposer un carnet d’entretien de l’immeuble. C’est beaucoup de changements en même temps. »

Elle fait valoir que le fonds de prévoyance, mesure obligatoire depuis plus de 25 ans, risque d’être beaucoup plus contraignant pour les copropriétaires, qui pourraient bien devoir hausser leurs contributions pour amasser les sommes d'argent suffisantes, afin de procéder aux travaux majeurs et au remplacement des parties communes (arrivées à échéance) dans une copropriété.

Bien que favorable à ces mesures préventives, Stefania Chianetta craint, cependant, que cette pression financière puisse inciter des copropriétaires — « qu’on pense aux retraités moins fortunés », — à mettre leur propriété sur le marché de la revente, conclut-elle. 

Montréal, 6 février 2020
Par François G. Cellier pour Condolegal.com et La Presse