Date de publication: 23/06/2024

Déclaration de copropriété et responsabilité contractuelle

Les déclarations de copropriété renferment généralement une clause qui tient tout copropriétaire responsable (à l’égard des autres copropriétaires et du syndicat) des dommages causés par sa faute ou sa négligence et par le fait d’un bien dont il est légalement responsable. Dans l'affaire Syndicat de la copropriété 650 Marcel-Laurin c. Neng (2024 QCCQ 2022), la Cour du Québec a rendu une intéressante décision concernant la validité du régime de responsabilité contractuelle stipulé dans une déclaration de copropriété.

Le litige concernait un sinistre survenu le 19 janvier 2021, lorsque de l'eau provenant de la toilette de l'unité d’une copropriétaire a causé des dommages aux unités avoisinantes. Le syndicat de copropriété lui réclamait des dommages-intérêts, alléguant qu'elle n'avait pas correctement entretenu la toilette et qu'elle devait être tenue responsable, selon le régime de « responsabilité stricte » prévu dans la déclaration de copropriété.

La copropriétaire affirmait qu'elle avait toujours agi de manière prudente et diligente. Elle soutenait également que la clause de responsabilité stricte était contraire au Code civil du Québec et devait être réputée non écrite. En ce sens, elle contestait la validité d'une clause imputant au copropriétaire une responsabilité sans faute. 

Le tribunal a d’abord reconnu que la déclaration de copropriété constitue un contrat et que l'inexécution d’obligations contractuelles relève dès lors d’un régime de responsabilité qui lui est propre. Il a toutefois précisé que la notion de "responsabilité stricte" est étrangère à ce régime. 

Toutefois, en analysant la dernière mouture de l'article 1074.2 du Code civil du Québec, le juge a précisé qu’en y ajoutant les mots « et dans les autres cas prévus au présent code » et en se référant ensuite au « préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde », le législateur faisait référence aux articles 1459 à 1469 du Code civil du Québec, soit à la responsabilité extracontractuelle. Il ajoute que « faire référence à des présomptions légales relevant de la sphère de la responsabilité civile extracontractuelle n’a aucune incidence quant à la détermination du régime de responsabilité civile applicable » (parag. 46). « C’est la source de l’obligation dont on réclame l’exécution qui détermine le régime de responsabilité civile applicable. » (parag. 47). « Si l’obligation est de nature contractuelle, la situation juridique soumise au Tribunal sera analysée en fonction des règles applicables à la responsabilité civile contractuelle. » (parag, 48). Il affirme aussi qu’ « Aucun principe juridique n’empêche le législateur de « contractualiser » des concepts relevant de la sphère de la responsabilité civile extracontractuelle. » (parag. 49).

Le juge conclut que l’article 1074.2 du Code civil du Québec est un puissant indicateur, de la part du législateur, de cette volonté de « contractualisation ». Cependant, il ajoute que le 2e alinéa de cet article impose une limite à la liberté contractuelle, quant à la possibilité d’accroître à l’avance l’intensité des obligations contractuelles en matière de responsabilité pour le fait des biens qu’une personne a sous sa garde. Il mentionne même que le législateur en a fait une question d’ordre public, de sorte qu’on ne peut prévoir une intensification de l’obligation au-delà d’une obligation de moyens.

Ceci étant dit, le juge a déterminé que le syndicat n'avait pas réussi, dans ce dossier, à prouver que la copropriétaire avait manqué à ses obligations d'entretien et de réparation de la toilette. Ainsi, la Cour a rejeté la demande du syndicat, affirmant que Mme Liu ne pouvait être tenue responsable du sinistre en vertu de la responsabilité contractuelle, y compris la « contractualisation » des concepts en matière de biens dont on a la garde.

Cette décision souligne néanmoins l'importance de la rigueur dans l'élaboration et l'application des clauses de responsabilité dans les déclarations de copropriété, confirmant la validité du régime de responsabilité contractuelle lorsqu'il est correctement stipulé.