16 juin 2020 — Depuis l’adoption du projet de loi 141, en juin 2018, l’assurance en copropriété a passablement changé au Québec, pour le plus grand bénéfice des copropriétaires. Toutefois, une des dispositions de cette loi sème la controverse, à savoir l’article 1074.2 du Code civil du Québec qui, selon plusieurs juristes, fait l’objet d’une mauvaise interprétation par les assureurs.
Nombre de compagnies d’assurance ne remboursent plus la franchise du syndicat, lorsqu’un sinistre provient de l’unité d’un copropriétaire, à moins que les administrateurs fassent la preuve d’une faute commise par ce copropriétaire. À titre d’exemple, advenant qu’un sinistre ait été provoqué par un chauffe-eau périmé dont le contenu a coulé, ou un boyau de lave-vaisselle mal raccordé qui a cédé, tout syndicat doit démontrer la faute du copropriétaire.
Transfert du fardeau de la preuve
« Les assureurs transfèrent le fardeau de la preuve vers les syndicats, et non leur client copropriétaire, comme c’était le cas auparavant. Pourtant, ce raisonnement est contraire à l’article 1074.2 », tonne l’avocat émérite et secrétaire général du RGCQ, Yves Joli-Coeur. Cet article stipule, notamment, « (…) sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute et, dans les cas prévus au présent code, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde ». Certains gestionnaires de copropriété constatent aussi que les compagnies d’assurance ne paient plus en pareilles circonstances.
Du côté du Bureau d’assurance du Canada (BAC), on voit les choses autrement. Selon son porte-parole, Pierre Babinsky, « On peut faire une démonstration raisonnable que la responsabilité soit imputable à un copropriétaire, ou du fait d’un de ses biens. Généralement, si c’est démontré de façon satisfaisante, l’assureur devrait couvrir ça sous la responsabilité civile ». Mais selon Yves Joli-Cœur, cet argument du BAC est contredit par plusieurs experts en sinistre, selon qui leur assuré n’est plus responsable de quoi que ce soit.
Procédures judiciaires
En outre, faire la démonstration d’une faute commise par un copropriétaire nécessite d’entamer des procédures judiciaires. Or, la plupart des copropriétés sont autogérées par des administrateurs bénévoles, qui n’ont souvent pas le temps de s’en occuper. Résultat : tous les copropriétaires de l’immeuble se retrouvent à payer, alors qu’ils ne le devraient pas, selon plusieurs juristes.
Aller au tribunal implique une démarche longue et fastidieuse. Il faut étoffer son dossier, afin que la preuve puisse être bien établie devant un juge. De l’aveu même d’un gestionnaire de copropriété qui a vécu cette expérience à plusieurs reprises, il peut s’écouler au moins une année avant qu’une cause de ce genre soit entendue. Et une fois fait, il n’est pas acquis qu’un syndicat obtiendra le remboursement total d’une franchise payée.
Visionnez le reportage du réseau TVA dans lequel Yves Joli-Coeur accorde une entrevue au sujet de l'article 1074.2, en cliquant sur cet hyperlien.
Montréal, 16 juin 2020