Date de publication: 02/04/2023

La location court terme coûte 85 000 $ à un copropriétaire

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2 avril 2023 - Comme il a été relaté dans un article du journaliste Zacharie Goudreault, du journal Le Devoir, une copropriétaire d'un immeuble situé dans le quartier Griffintown, à Montréal, a été condamnée par un jugement de la Cour supérieure du Québec à payer plus de 85 000 dollars en pénalités et en honoraires extrajudiciaires pour avoir loué illégalement son appartement à court terme, entre 2016 et 2019.

Le syndicat de Copropriété de Griffin Îlot 10 Résidentiel, représenté par l’avocat Me Karl Michel du cabinet LJT Avocats, demandait au Tribunal de rendre une ordonnance d’injonction permanente contre Madame Lu Zhao et de la condamner à payer des dommages-intérêts, pour violation de la disposition du règlement de l’immeuble qui interdit aux copropriétaires de louer leur logement à court terme sur des sites internet dédiés à la location à court terme, tel que Airbnb.

Les faits

En 2014, Madame Lu Zhao a acquis un appartement situé dans un bâtiment en copropriété de 187 unités réparties sur 19 étages, au coeur du quartier Griffintown. Elle n’a toutefois pas acquis ce logement pour s’y loger, mais plutôt pour louer celui-ci à court terme à des touristes de passage.

Or, en août 2016, lors d’une assemblée des copropriétaires, une modification au règlement de l’immeuble est adoptée pour interdire de louer un logement pour moins de 12 mois consécutifs. Les contrevenants s’exposent alors à une amende de 1000 dollars pour une première violation, une somme qui grimpe à 3000 dollars pour les infractions subséquentes. Le règlement est de nouveau modifié, en avril 2017, pour préciser noir sur blanc que « la promotion d’un logement sur des sites dédiés à la location à court terme, tel que [sur] Airbnb, est interdite ».

Le 20 mars 2019, après avoir noté plusieurs infractions au Règlement par Madame Zhao quant à l’interdiction de louer le logement à court terme, le Syndicat met en demeure cette dernière de cesser immédiatement ses activités de location à court terme.

Madame Zhao passe outre à cette mise en demeure et continue de louer son logement sur Airbnb, en affirmant que c’est en fait sa locataire qui sous-loue ce logement sur cette plateforme. Or, cette locataire est « fictive » et fait simplement partie du « stratagème » qu’a employé la copropriétaire pour louer son logement à court terme pendant des années, a tranché un juge de la Cour supérieure du Québec, le 27 mars dernier.

« La preuve démontre de façon non équivoque que cette personne n’existe pas et qu’elle est plutôt le pseudonyme de madame Zhao qui a créé un profil en ligne en utilisant ce nom », mentionne le jugement. Le juge Azimuddin Hussain relève d’ailleurs que le moment de la création du compte de cette personne fictive, en 2017, coïncide avec celui où la réglementation de l’immeuble a été modifiée pour préciser que les locations à court terme sur les plateformes comme Airbnb sont interdites.

La preuve recueillie par le syndicat montre d’ailleurs que des touristes rentraient dans le logement de Madame Lu Zhao en passant par l’immeuble voisin, usant d’un « système élaboré, mais sournois » auquel avait recours la copropriétaire dans l’espoir que « personne ne soit au courant de ses activités ».

Aux dires de l’avocat Karl Michel, le syndicat de copropriété a tout de même réussi à documenter la présence de touristes dans ce logement. Une administratrice surveillait ainsi les annonces publiées par le pseudonyme de Madame Lu Zhao et allait cogner à la porte de l’appartement lorsque des touristes s’y rendaient afin de demander à photographier leur pièce d’identité afin de vérifier que leur véritable adresse n’était pas celle de l’appartement de Mme Zhao. Le gardien de sécurité de l’immeuble s’assurait aussi d’alerter le syndicat quand il voyait des touristes avec leurs valises entrer dans le bâtiment.

Le jugement

La Cour supérieure du Québec a acquiescé aux demandes du syndicat de copropriété et ordonné à Madame Lu Zhao de cesser de louer son logement pour des périodes de moins de 12 mois consécutifs. La copropriétaire doit par ailleurs remettre 49 000 dollars au syndicat pour les infractions impayées, de même qu’une somme de 34 387 dollars pour les honoraires extrajudiciaires de l’avocat du syndicat, pour un total de 83 387 dollars.

Une problématique récurrente rapportée au journal Le Devoir

Deux acteurs importants de la copropriété ont confirmé au Devoir que cette problématique affecte le bon fonctionnement des syndicats de copropriétaires, qui doivent se tourner devant les tribunaux pour tenter de mettre fin aux locations à court terme illégales dans leur immeuble.

« Il faut que les clauses pénales [...] soient rédigées de façon que ce soit vraiment dissuasif de faire de la location à court terme », estime Me Yves Joli-Coeur, avocat-associé chez Dunton Rainville, qui est également président du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec. Ainsi, on risque de décourager davantage de copropriétaires à s’adonner à cette pratique, note l’avocat. « Généralement, ça a un effet dissuasif. »

Madame Élise Beauchesne, de Solution Condo, qui est également présidente de l'Association québécoise des gestionnaires de copropriétés, estime pour sa part que ce sont avant tout les villes et le gouvernement du Québec qui disposent des moyens appropriés pour s’attaquer aux locations à court terme illégales, notamment en déployant plus d’inspecteurs sur le terrain. « Il faut que quelqu’un fasse les vérifications appropriées et que les pénalités soient salées. Sinon, les gens vont continuer. »

Toujours selon madame Beauchesne « C’est très payant pour eux, donc ils ont beaucoup d’imagination pour arriver à contourner tous les mécanismes qui sont mis en place pour essayer de forcer la loi à être respectée.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR :​ À l'émission Puisqu’il faut se lever, Robert Barette, directeur de gestion chez Solution Condo, qui gérait le syndicat de copropriété de l'immeuble en question, s’est entretenu avec l’animateur Paul Arcand en regard aux faits pertinents entourant cette affaire. Écoutez l'intégralité de l'entrevue.

 

Montréal, 2 avril 2023

Pour lire l’intégralité du jugement, on peut cliquer sur cet hyperlien.