Date de publication: 13/02/2022

Le bon gestionnaire

La recherche d’un bon gestionnaire de copropriétés ressemble à la quête d’un bon vin : faut-il en essayer plusieurs avant de trouver le bon ?

Au risque d’avoir des troubles de l’estomac ?

Ou plutôt faut-il connaitre préalablement à la recherche du bon nectar les critères de qualité que sont la souplesse, l’intensité, la limpidité.

Et bien allons-y ! : Faisons comme les gouteurs et cherchons les meilleures qualités chez les syndics de copropriété français, les gestionnaires de condos québécois et pourquoi pas ailleurs ?  Même jusqu’en Chine car il existe aussi des copropriétés chinoises confrontées au même problème de recherche de qualité du gestionnaire !

Voici les critères de qualité du syndic de copropriété tels qu’ils sont vu du côté de la France :

Une profession bien règlementée :

Après quelques scandales immobiliers dans les années 60, des détournements de fonds par les professionnels immobiliers, les pouvoirs publics ne pouvaient pas rester inactifs !

Fut ainsi promulguée la loi HOGUET (Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970) qui a assaini la profession en créant la carte professionnelle obligatoire pour les syndics et leur contrôle administratif et judiciaire.

Celle-ci ne peut être délivrée par l’État que sous condition de diplôme ou d’expérience, de formation permanente obligatoire, de cautionnement par un établissement financier des fonds versés par les copropriétaires et d’une assurance de responsabilité professionnelle.

De quoi écarter les aigrefins !

Les professionnels eux-mêmes réclamaient cette règlementation solide à caractère pénal, qui a fait ses preuves et se retrouve dans beaucoup de pays européens.

De quoi rassurer le consommateur immobilier, les syndics français ne manquant pas de le rappeler lorsqu’ils sont en compétition avec les syndics bénévoles qui peuvent gérer les immeubles dans lesquels ils sont copropriétaires…

Une éthique irréprochable :

Ce n’est pas le tout de promulguer une règlementation des professionnels immobiliers ! Pour parachever le dispositif il faut aussi créer un code de déontologie qui a été institué en France par un dispositif législatif spécial. Les clients peuvent s’y référer lorsqu’ils reprochent à un professionnel immobilier une entorse au code ainsi que les professionnels entre eux dans leurs relations pas toujours empreintes de courtoisie. La confraternité nécessite la vigilance et ainsi « tout ira bien madame la Marquise » !

Des syndicats professionnels puissants et très écoutés par le Gouvernement (car ils sont consultés obligatoirement sur les Lois et Décrets immobiliers) veillent aussi par leurs commissions de déontologie aux dérives éventuelles. Les membres « mauvaises brebis » seront exclus du syndicat en cas de dérapage et pourront aussi se retrouver chez le Procureur de la République et devant le Tribunal correctionnel en cas de délit pénal. Le code de déontologie est unanimement apprécié pour réguler les comportements…

Des professionnels réactifs, à l’écoute des copropriétaires :

Des sondages fréquents organisés par la presse immobilière, les salons de la copropriété ou les associations de défense des copropriétaires permettent de prendre le pouls des copropriétés. Les copropriétaires cherchent avant tout le professionnalisme, l’écoute et surtout la réactivité des syndics.

Du coup les syndics essaient de recadrer leur gestion quotidienne sur l’utile mais les multiples incidents chronophages dans l’immeuble permettent difficilement une gestion saine, avec hauteur de vue. En France les discussions sont rudes sur le maintien ou non du système des prises de décisions par l’assemblée générale et non par le « conseil syndical » qui n’a pas les pouvoirs d’un conseil d’administration québécois ! Trop de démocratie tuerait la démocratie et ce au pays des droits de l’homme ?

Des solutions informatiques sont de plus en plus offertes en attendant l’intelligence artificielle qui traitera les demandes récurrentes des copropriétaires. C’est un défi des années à venir. Le « nouveau syndic » doit trouver les solutions adéquates et le faire savoir pour gagner des parts de marché.

L’autre défi c’est de conserver ou non des syndics indépendants dans des cabinets de quartier face aux groupes qui offrent des solutions « mutualisées » entre les immeubles pour réduire les couts de fonctionnement et les achats d’éléments d’équipements (100 fenêtres coutent moins cher qu’une seule à acheter…).

La vérité est entre les deux : Un groupe, une marque, décentralisant les gestionnaires vers l’indépendance pour être au plus près des immeubles sans doute tout en conservant la force du réseau…Et le maintien du cabinet de quartier bien souvent demandé par le client…

Ce que veulent aussi les copropriétaires dans les sondages ? Une baisse des charges bien sûr!

Alors les offres d’audit de gestion pleuvent sur le marché des syndics, qu’ils soient de nature comptable ou technique ou juridique ainsi que les certifications de qualité par des organismes indépendants.

Surtout à l’heure des rénovations énergétiques françaises ambitieuses et tellement compliquées…Même au pays de Descartes (qui doit se retourner dans sa tombe de voir l’inflation législative !) Les syndics sont prêts à relever le défi.

En tous cas il faut trouver ceux qui le veulent et le peuvent !

Des outils performants :

En attendant l’intelligence artificielle, des salons spécialisés offrent en France des outils informatiques et électroniques nouveaux en même temps que le législateur oblige à de nouveaux outils juridiques de gestion. C’est la course !

Fonds de travaux (copiés sur les fonds de prévoyance du Québec !), plans pluriannuels de travaux, diagnostics techniques globaux, carnets d’entretien électroniques, visio ou audio conférences des AG, étiquettes énergétiques et environnementales, introduction des énergies renouvelables, surélévation encouragée pour financer les travaux, chantiers visualisables en 3D : Le législateur n’a pas chômé !

Les « start-ups » offrant ces nouveaux services non plus !

Et les syndics doivent suivre et tout expliquer aux copropriétaires, sinon dehors !

Le bon syndic doit devenir un ingénieur financier, un spécialiste de la gestion des rénovations énergétiques et des calculs de retours sur investissements, un bon chercheur de subventions : Un tournant qu’ils doivent prendre, une nouvelle donne dans la compétition entre eux car les copropriétaires s’informent ce qui est nouveau ! Internet est passé par là !

On prendra donc le meilleur gestionnaire sachant manier ces nouveaux outils.

Éviter les copropriétés en difficultés

Le drame absolu qui obsède syndics et pouvoirs publics !

En France 20% des copropriétés sont en difficultés ou pré-difficultés selon des normes légales bien précises !

La France s’est dotée d’un arsenal législatif et règlementaire impressionnant pour les redresser.

Tardivement, des syndics spécialistes du redressement des copropriétés se sont réunis en association.

Malheureusement cela n’a pas empêché les drames du défaut d’entretien comme l’effondrement d’un immeuble vétuste à Marseille qui a traumatisé la population et les professionnels. Les canalisations non entretenues ont laissé passer les eaux qui ont raviné le sous-sol…

Certains disent que si nous n’avions pas néammoins tous ces dispositifs d’alerte des dégradations, d’autres drames pouvaient arriver. Et que dire à cet égard de la copropriété américaine qui s’est effondré en Floride. C’est le même combat partout de trouver des gestionnaires avisés qui pourront avoir la vision d’avenir du bâtiment en plus de son entretien courant…

Seule la professionnalisation accrue notamment par les formations permettra de gérer au mieux ces immeubles et les autres tant est devenue complexe la gestion immobilière. En France (comme bien souvent à l’étranger d’ailleurs) le syndic « à la Papa » c’est bien fini. Partout dans les pays développés le syndic doit devenir un prestataire de services plus qu’un représentant légal des copropriétaires en externalisant sa mission au profit de gestionnaires techniciens dégagés des problèmes mineurs qui encombrent les esprits et sont chronophages.

L'Amérique

Les solutions nord-américaines existent (USA-CANADA) : Conseil d’administration fort et syndic-gestionnaire-expert quand on le trouve mais aussi en Europe comme par exemple en Finlande où l’assemblée des copropriétaires (AG) n’a qu’un rôle de contrôle sauf pour certains travaux très importants. Plus la professionnalisation juridique, technique et financière du gestionnaire est forte, meilleure sera la gestion. C’est un enjeu actuel de la profession de syndic en France.

L'Asie

Et La Chine ? Pourquoi parler de la Chine ? Depuis qu’elle s’est dotée d’une loi sur la copropriété et qu’elle se dote de bâtiments verticaux elle est concernée au premier chef par la gestion de ceux-ci. Trouvons-y l’efficacité impressionnante des « superintendants d’immeubles », professionnels qui gèrent au mieux le bâtiment de façon très efficace (mais encore faut-il y régler en Chine la représentativité et donc l’information voire le contrôle du gestionnaire par les habitants : Rien n’est évidemment simple !) Prendre les expériences internationales pour en tirer des solutions de gestion optimisée comme les écoles de syndics commencent à le faire en France, les transmettre aux gestionnaires sous forme de cahier des charges de guidance.

Voilà le défi à relever !

 

Me Olivier Brane, avocat honoraire au Barreau de Paris

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 CONSULTEZ UN LIVRE CULTE : « Copropriétés en difficulté » 

L’avocat émérite et secrétaire général du RGCQ, Yves Joli-Coeur, a coécrit avec Me Olivier J. Brane, avocat honoraire au Barreau de Paris et Jean Pierre Lannoy, expert judiciaire en copropriété et syndic provisoire et judiciaire (Belgique) unouvrage intitulé Les copropriétés en difficulté Constats et solutions France/Québec/Belgique, dans lequel il fait un parallèle entre les copropriétés françaises, québécoises et belges. À lire absolument!