Date de publication: 11/04/2019

Frais de gestion et d’avocat : un copropriétaire délinquant doit-il toujours payer?

9 avril 2019 — Les frais de condo en souffrance peuvent entraîner un imbroglio juridique duquel personne ne ressort gagnant. C’est ce qui est arrivé à un couple de copropriétaires qui, après avoir fait défaut de payer ses frais de condo, a dû faire face à la publication, par son syndicat de copropriétaires, d’une hypothèque légale contre l’unité qu’il a achetée en 2013. Il en a résulté un procès opposant les deux parties.

À cela s’est ajoutée l’intervention d’une firme en gestion de copropriété, qui, « au lieu d’agir comme un agent pacificateur, a envenimé le litige entre les parties qui portait sur une réclamation qui aurait pu être traitée par la Division des petites créances… » C’est en ces termes que s’est exprimée la juge Marie Michelle Lavigne, de la Cour du Québec.

Les faits 

Avant que cette affaire ne se retrouve devant le Tribunal, le couple visé, à qui l’on reprochait de ne pas avoir payé ses frais de condo, a eu maille à partir avec son syndicat. Le point culminant du litige est survenu le 11 novembre 2016, lorsqu’il a reçu un nouvel état de compte détaillant les sommes qui lui étaient réclamées.

Six jours plus tard, soit le 17 novembre, l’avocat du syndicat informe le couple qu’il a le mandat de faire signifier un préavis d’exercice du droit hypothécaire. Le 18 novembre, les copropriétaires visés demandent au syndicat que le dossier soit suspendu, afin qu’ils puissent faire des vérifications à l’égard des montants réclamés. Ils reçoivent, pour toute réponse, la signification du préavis. Finalement, l’escalade atteint son paroxysme lorsque le couple (les demandeurs) décide d’intenter une poursuite judiciaire contre son syndicat, afin que soit radiée l’hypothèque légale.

Mesure « précipitée et inutilement coûteuse »

La juge Marie Michelle Lavigne a affirmé, au terme de son jugement, que « L’utilisation subséquente des procédures de vente en justice de l’unité de copropriété, alors que l’avocate des demandeurs avait requis une suspension des procédures, était une mesure précipitée et inutilement coûteuse. Cette procédure a obligé les demandeurs à présenter la demande pour obtenir la radiation de l’hypothèque légale. »

Elle ajoute « qu’au début du procès, les parties admettent que les frais de condos encore en litige totalisent la somme de 301,38 $.  Cette somme est minime. Le présent procès se tient principalement pour statuer sur les réclamations des parties pour leurs frais d’avocats, les pénalités et dommages généraux. »

Réclamations refusées

Parmi les sommes réclamées par le syndicat figurait un montant totalisant quelques 19 119,17 $, pour payer les honoraires du cabinet d’avocats qui le représentait. Une autre somme de 5 000 $ était également demandée pour les honoraires du gestionnaire. Le Syndicat prétendait que « l’Entente de gestion complète » intervenue avec la firme de gestion prévoit la possibilité pour cette dernière de réclamer des frais basés sur un taux horaire de 125 $ pour des « prestations particulières ». « Cette réclamation du Syndicat pour les frais de 5 000 $ est-elle raisonnable? Le Tribunal est d’avis qu’elle ne l’est pas », si bien que cette demande a été rejetée. 

Au-delà du caractère déraisonnable de certaines sommes réclamées par le syndicat, la juge s’est montrée sévère à l’égard de ce dernier, affirmant, entre autres, que « Les nombreux changements de gestionnaire sont à la source d’un manque de communication et de suivi relativement aux sommes dues par les demandeurs et des délais dans la transmission d’informations. » Et que « Dès son entrée en fonction », le nouveau gestionnaire qui a porté ce dossier a « acheminé aux demandeurs des états de compte incomplets et faux et fait notifier aux demandeurs un préavis d’exercice de droit hypothécaire alors même que l’avocate des demandeurs avait requis une suspension du dossier pour vérifier les montants réclamés. »

En conclusion

La juge a considéré que l’action du gestionnaire « était intempestive et ne remplissait pas adéquatement le mandat de gestion des biens d’autrui que lui avait confié le Syndicat. » De plus, elle a statué que « Le Syndicat » ne pouvait pas « réclamer des demandeurs des frais injustifiés. » En conclusion, elle a ordonné la radiation de l’avis d’hypothèque légale, ainsi que le préavis d’exercice du droit hypothécaire. Elle a en outre donné acte à l’offre des demandeurs de payer 5 000 $, ce qui a servi à payer les charges communes impayées et divers autres frais, et rejeté la réclamation du syndicat contre les copropriétaires pour toute somme excédant cette offre.

La morale de cette histoire : tout recours judiciaire doit être entrepris de bonne foi. Les articles 6 et 7 du Code civil du Québec stipulent ce qui suit : « Toute personne est tenu d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. » Et « Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi. »

Pour consulter l'intégralité du jugement, on peut cliquer sur cet hyperlien.
Montréal, 11 avril 2019