Date de publication: 16/06/2024

Modalités relatives à l'étude du fonds de prévoyance

L’article 1071 du Code civil du Québec prévoit que « Le Syndicat constitue, en fonction du coût estimatif des réparations majeures et du coût de remplacement des parties communes, un fonds de prévoyance, liquide et disponible à court terme, affecté uniquement à ces réparations et remplacements. Ce fonds doit être en partie liquide, disponible à court terme et son capital doit être garanti. Il est la propriété du syndicat et son utilisation est déterminée par le conseil d’administration. ». Chaque Syndicat est donc tenu de provisionner des sommes en prévision de ces travaux de réparations majeures et de remplacement des parties communes.

Pour assurer un apport financier suffisant au fonds de prévoyance, le conseil d’administration devrait constituer un tel fonds sur la base des recommandations d'une étude de fonds de prévoyance, et ce en tenant compte de l’évolution de la copropriété, notamment des montants qui y sont disponibles.

Constitution d’un fonds de prévoyance suffisant

Bien que la loi impose actuellement que le fonds de prévoyance soit alimenté par un apport financier des copropriétaires, qui ne peut être inférieur à 5% de leur contribution aux charges communes, les montants d’argent versés s’avèrent historiquement très souvent inférieurs aux besoins financiers réels de la copropriété. Le revers de cette sous-contribution au fonds est qu’à maintes reprises, plusieurs copropriétaires se sont retrouvés financièrement pris au dépourvu en raison des cotisations spéciales imposées par le Syndicat pour la réalisation de travaux d’importance dans leur copropriété.

C’est pour corriger cette problématique que l’article 1071 du Code civil du Québec a été modifié par le Projet de loi 16 adopté en décembre 2019 et le Projet de loi 31 sanctionné par l’Assemblée nationale du Québec, le 21 février 2024. L’article 1071 comporte un nouvel alinéa qui prévoit que « Le conseil d’administration obtient une étude du fonds de prévoyance établissant les sommes nécessaires pour que ce fonds soit suffisant pour couvrir le coût estimatif des réparations majeures et de remplacement des parties communes. Cette étude est réalisée conformément aux normes établies par un règlement du gouvernement, lequel désigne notamment les ordres professionnels dont les membres sont habilités à faire ces études et détermine à quelle fréquence une nouvelle étude doit être obtenue par le conseil d'administration. Ces normes peuvent varier en fonction des caractéristiques d'un immeuble. ».

Bien que ces modifications à l’article 1071 du Code civil du Québec ne soient pas encore en vigueur, tout syndicat a intérêt à mettre en place immédiatement un tel outil de gestion. Rappelez-vous que le mot « prévoyance » traduit des notions relatives aux prévisions, aux calculs et à la prudence.

Rôle du professionnel

Pour constituer un fonds de prévoyance adéquat, le conseil d'administration doit faire estimer par un professionnel compétent le coût des réparations majeures et de remplacement des parties communes. L’étude du fonds de prévoyance se veut l’outil permettant d’accomplir cet exercice budgétaire indispensable à la saine gestion d'un immeuble détenu en copropriété.

Cette étude permet d’élaborer une stratégie de financement du fonds de prévoyance qui se veut équitable envers tous les copropriétaires, actuels et futurs, en évitant les appels de charge ponctuels qui ne touchent que les copropriétaires en place à ce moment, tout en ciblant les besoins estimés nécessaires, sans sous-financement ou surplus excédentaires. L’horizon d’analyse d’une telle étude devrait s’étendre sur une période suffisante pour couvrir l’ensemble des réparations majeures et du remplacement des parties communes. Les experts considèrent, normalement, un horizon de 25 ans, avec une provision pour financer les interventions majeures qui devraient se produire après la période considérée. Un horizon plus court pourrait venir fausser les données, car il exclurait possiblement certaines composantes du calcul, par exemple la toiture et les fenêtres.

Méthodologie sous-jacente à l’étude

L’étude du fonds de prévoyance comporte une dimension physique et une dimension financière. On doit d’abord évaluer l’état et la durée de vie prévisible des diverses composantes de l’immeuble pour ensuite en estimer les coûts de réparation et de remplacement.

Plus précisément, la dimension physique comporte généralement les étapes suivantes :

  • Identification et l’évaluation de l’état des éléments de construction devant être considérés au fonds de prévoyance;
  • Inspection visuelle de ces composants afin d’en déterminer leur état physique et leur durée de vie prévisible (ex. : les éléments mécaniques liés au système de ventilation);
  • Un ordonnancement des travaux à réaliser.

Quant à la dimension financière, elle comporte généralement les étapes suivantes :

  • Évaluation des coûts actuels de réparation et de remplacement des parties communes;
  • L’indexation de ces coûts en fonction de la planification des travaux envisagés;
  • Analyse financière visant à établir une stratégie de contribution au fond permettant d’accumuler les sommes nécessaires pour couvrir l’ensemble des dépenses planifiées.

Finalement, on produira un rapport incluant :

  • L’identification des différents composants visés par l’étude du fonds de prévoyance;
  • La présentation d’un calendrier pour le remplacement de ces composants en fonction de leur durée de vie prévisible;
  • L’estimation des coûts des travaux de remplacements de ces composants;
  • Une stratégie de contributions financières au fonds de prévoyance.

Qui peut faire cette étude?

L’étude du fonds de prévoyance est un exercice complexe qui requiert des compétences actuarielles et techniques. Pour l'instant, la loi ne précise pas quel est le professionnel qualifié pour la mener à bien, et quelle est la méthodologie à suivre. Ces précisions seront toutefois éventuellement connues par un règlement du gouvernement qui désignera notamment les ordres professionnels dont les membres sont habilités à faire ces études.

Pour l’instant, le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ) a établi des paramètres qui ont permis la création d'une étude du fonds de prévoyance standardisée. Il a également mis en place un système d’accréditation auquel les professionnels du bâtiment peuvent adhérer. En somme, le RGCQ a créé une norme de pratique, afin d'assurer une meilleure protection du patrimoine bâti des syndicats de copropriétaires.

Caractéristiques de l'étude du fonds de prévoyance

En principe, cette étude devrait porter sur les interventions susceptibles de se produire dans un horizon limité dans le temps. Sujet délicat à définir en terme temporel. Selon les modifications apportées à l’article 1071 du Code civil du Québec par les Projets de loi 16 et 31, le conseil d'administration devra obtenir une étude du fonds de prévoyance établissant les sommes nécessaires pour que ce fonds soit suffisant pour couvrir le coût estimatif des réparations majeures et de remplacement des parties communes. Cette étude est réalisée conformément aux normes établies par un règlement du gouvernement, lequel désigne notamment les ordres professionnels dont les membres sont habilités à faire ces études et détermine à quelle fréquence une nouvelle étude doit être obtenue par le conseil d'administration. Ces normes peuvent varier en fonction des caractéristiques d'un immeuble. Afin de trouver un juste équilibre, l’auteure Christine Gagnon préconise d’introduire dans la déclaration de copropriété (l’acte constitutif de copropriété) la clause suivante :

Le conseil d’administration doit s’assurer, avant d’octroyer un contrat de services à un professionnel pour réaliser cette étude, qu’elle portera sur une période raisonnable. Il est précisé qu’une période excédant quarante (40) ans à partir de la date de l’étude est déraisonnable, sauf disposition contraire de la loi à ce moment, le cas échéant. Ainsi, sous cette réserve, l’étude devrait porter tout au plus sur une période de vingt-cinq (25) ou trente (30) ans à partir de la date de l’étude, à moins de circonstances exceptionnelles que le conseil d’administration devra expliquer et justifier, tout en maintenant l’étude sur une période raisonnable. Pour évaluer le critère de raisonnabilité de la période, il faut tenir compte du fait que l’étude sera révisée périodiquement comme stipulé ci-dessous. Il faut également considérer la fiabilité d’une prévision d’une situation trop éloignée dans le temps, par exemple l’existence même de la copropriété ou de l’immeuble dans son état actuel à cette période, la possibilité de subventions disponibles pour certains travaux, la nature des matériaux qui seront employés à la fin de la période, les techniques de construction qui seront disponibles lors de la réalisation des travaux, etc.

La déclaration devrait également préciser que le conseil d’administration doit s’assurer, lorsqu’il requiert une actualisation de l’étude du fonds de prévoyance, que la révision ou la nouvelle étude porte sur une période raisonnable comme stipulé ci-dessus.

BON À SAVOIR ! ​ De nos jours, les éventuels acheteurs en copropriété divise sont davantage préoccupés par la gestion déficiente dans plusieurs immeubles. Bon nombre d’entre eux voudront savoir si les sommes accumulées dans le fonds de prévoyance sont suffisantes. À cet égard, l'article 1068.2 du Code civil du Québec oblige le syndicat à remettre au promettant acheteur les documents ou renseignements permettant à ce dernier de faire un choix éclairé.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR :​​ Le concept du « fonds de prévoyance » repose sur un principe d’équité entre les copropriétaires successifs de l’immeuble. On y accumule graduellement les sommes requises à court, moyen et long terme, en fonction d’une estimation des coûts relatifs à la durée de vie prévisible de certaines composantes de l'immeuble. Tous les copropriétaires doivent contribuer à ce fonds, selon une approche dite de l’utilisateur-payeur, tant et aussi longtemps qu’ils en sont les propriétaires.

ATTENTION !​​ L'étude de fonds de prévoyance est un instrument privilégié dans la planification de certains travaux et de l'utilisation optimale des ressources financières d’une copropriété. Pourtant, au moins quatre syndicats de copropriétaires sur dix affirment, sondage à l’appui, ne pas avoir assez d’argent pour financer ces travaux. Ce nombre augmente passablement dans les immeubles construits avant l’année 2000. Pour pallier cette situation, les syndicats pris au dépourvu ont recours à des cotisations spéciales.

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